les écrivains que je ne lirais jamais
C'est la rentrée littéraire en France. Cette année, les éditeurs nous proposent pas moins de 727 ouvrages. Certains remporteront des prix, et la plupart seront noyés dans la masse.
Durant des semaines, des écrivains accorderont des interviews à la presse et à la radio. Ils sillonneront les villes de province pour parler de leurs livres et de leurs vies, dans les Fnac et chez d'autres marchands de livres. Ils envahiront les plateaux télévisuels, on les verra aux journaux TV, dans les rares émissions encore consacrées à la littérature, ils joueront même aux clowns dans des émissions de divertissment.
Un écrivain qui se complait dans la banalité ambiante peut-il encore faire oeuvre ?
Je viens de relire pour la énième fois "Le Temps des erreurs" du feu Mohamed Choukri, le poète aux pieds nus, celui pour qui l'écriture est une protestation non une parade. Il avait de la classe celui-là. Je me suis attardé sur l'extrait suivant :
Je remarque un homme élégant, visiblement respecté par les clients du café, et souvent entouré de gens fringants aux airs solennels. Je demande à un homme assis près de moi de qui il s'agit.
- Vous ne le connaissez pas, c'est l'écrivain Mohammed Essabagh.
- Qu'est-ce qu'il écrit ?
- Des poèmes en prose.
J'achète ses livres : La Soif blessée, , L'arbre de feu, La Lune et moi. ces derniers sont traduits en espagnol. Je les lis et je me dis que s'il faut écrire ça pour être entouré de tant de déférence, alors je peux le faire moi aussi. Et même mieux. L'écriture est un privilège ! Je croyais que l'Ecrivain ne se montrait jamais en public, qu'il ne parlait pas avec les gens, comme Mohammed Essabagh dans ce café. Pour moi l'écrivain était mort ou invisible.
Je ne sais pas pourquoi cet extrait m'a fait penser à la rentrée littéraire ?
En tout cas je suis sûr d'une chose, j'aime lire et relire les écrivains absents.
Saïd Bailal
Les Tableau est de Mahi Binebine, peintre et écrivain Marocain
Commentaires
Des noms, des noms!
Ainsi donc
les absents ont raison
je crois que tu n'as pas tort (sourire)²
Sinon
oui
cette rentrée littéraire a quelque chose d'obcène
et même certaines affinités avec une partouze
Et bien, plus je lis, et plus je découvre des auteurs qui pensent comme moi. Une force invisible m'amène vers eux (et me permet d'en éviter toute une série d'autres, comme la plupart de ceux qui font la rentrée littéraire). C'est le cas ainsi pour cette page web-ci, où je tombe sur ce passage de Choukri-ci, qui aurait pu sortir de ma bouche, les références littéraires en moins.
Oui, oui, dans l'écriture, il y a de tout comme en boucherie : les tripes, comme celles de Choukri justement, la tête, comme celle de... beaucoup d'écrivains qui pensent plus qu'ils ne sentent - je n'en citerai aucun, je ne veux pas condamner -, le coeur, comme celui d'un Amin Maalouf, qui m'a tant touchée (non, pas avec les Identités meurtrières, que j'avoue je n'ai pas lu) avec un merveilleux périple, car si humain, celui de Baldassare, et puis...
Vous pouvez continuer la liste, il y a tout je vous dis.
A chacun ses préférences. Pour moi, il est clair que les écritures creuses ne m'intéressent absolument pas. J'aime ce qui a vécu, qui a travaillé, qui a donné et pris beaucoup d'énergie. J'aime donc ce qui sent le souffle de la vie, du sang, des tripes, et finalement... de la mort.
Merci Saïd. Bonne rentrée littéraire quand même ! A la prochaine et au plaisir de te voir en Belgique !
Leila, quel plaisir de te retrouver et de te relire.
Je conseille d'ailleurs aux lecteurs de ce blog d'aller faire un tour sur ton site, ils y trouveront un souffle, du vécu et beaucoup de tendresse.
A très bientôt Leila
j'aime bien votre texte sur le rentrée littéraire ! c'est vrai que plus de 700 titres qui sortent en même temps et qui sont soi-disant à découvrir en quelques semaines avant d'être voués à l'oubli voire au pilon, c'est un peu dingo ! Il paraît que cette "rentrée littéraire" est une spécificité française !
en même temps, j'aime bien lire ces listes infinies, m'arrêter sur des titres qui m'interpellent, lire les quatrièmes de couverture, regarder les photos des écrivains qui posent...
merci Sylvie,
j'adore aussi parcourir les quatrièmes de couverture, je m'amuse à lire les première phrases des romans, c'est en général ce qui me décide à découvrir l'auteur ou pas.
Mais au milieu du tas de livres exposés, j'ai toujours l'impression de ne pas remarquer Le livre de la rentrée. Tel un chercheur d'or, qui sait qu'il a raté lLa pépite au milieu de la multitude de petites pierres insignifiantes.
Mais je n'aime pas les écrivains qui s'exposent trop dans les salons, librairies et médias, à l'exception de Borgès. J'ai plutôt un faible pour les auteurs secrets et mystérieux.
Quand on est bénévole de bibliothèque et qu'on doit faire le tri dans ce tas de papier, la rentrée littéraire est vraiment obscène, dégoûtante. Il en faut pour les lecteurs sous traitement médiatique tout en essayant de prendre ce qui vivra au-delà de la rentrée. Et il faut essayer trouver ce qui n'est pas prescrit mais qui vivra quand même. D'expérience, le meilleur sort au printemps. Allez, "Une odeur de mantèque" pour me consoler de cette débauche d'égos.
salam Jdal
J'ai connu une personne qui, en matière de romans, sétait arrêtée aux classiques. Elle disait que la littérature actuelle le déroutait par sa frivolité, que l'âme humaine s'y retrouve au rebut, que les romans actuels reflètent trop l'implacable secheresse du monde.
Je pense qu'il exagèrait un peu, mais parfois en me déambulant dans les rayons littérature de certaines librairies, je me dis qu'il avait peut-être raison.
Heureusement pour lui que les bibliothèques municipales gardent encore une place importante pour les classiques
Un récent disparu à relire, Driss Chraïbi :o)
Merci pour ta visite.
bienvenue Murphy
Driss Chraïbi est à lire et relire, il est du même minerai que Mohammed Choukri, des écrivains qui écorchent qui ne font pas dans la complaisance et le futile
Bonjour à tous.
Alors, donc, Driss Chraïbi est mort... Je me sens pleine de tristesse et je partage exactement ce qu'en dit Kalima. J'en reste sans voix. Et mes mots ne courent plus sur mon clavier.
Je suis a-r-r-ê-t-é-e. Driss Chraïbi. Voilà un écrivain que j'aurais voulu rencontrer. Mais il faut croire que je suis née trop tard.
Pas de futilités, en effet : dans certaines vies, il n'y a pas de place pour cela. C'est dû, je pense, à une certaine conscience...
Et si je crois que la plupart des écrivains ont besoin des lecteurs, je sais qu'il est des écrivains qui appellent le lecteur car ils lui parlent : ils ont quelque chose à lui dire, et dans la lettre qu'ils tracent, un peu de leur âme ils y ont déposée ; ils écrivent car ils en ont besoin, ils écrivent car c'est leur moyen, ils écrivent car ils échangent, car ils se disent, car ils interpellent, car ils... appellent.
Je ne suis pas une spécialiste de la valorisation de noms connus. Mais je suis émue du départ de cet humain-ci : Chraïbi.
Au revoir Drissounet.
A plus tard, quand j'aurai plus grandi...
Pas encore eu le temps de passer par chez toi mais je reviendrais ; Denis GUEDJ tu connais ? moi qui n'ai aucune affinité avec les chiffres... j'ai adoré la Villa des Hommes. Il a une façon d'aborder les "chiffres" un vrai régal ! Magnifique histoire d'amitié entre un libertaire et un vieux chercheur mathématicien pendant la première guerre mondiale.
Bienvenue Michèle,
j'ai lu "le théorèmdu perroquet", pas mal, l'histoire des mathématiques racontée au fil d'une intrigue, ça peut réconcilier certains avec les maths.
Je ne connaissais pas la Villa des hommes, mais je ne tarderai pas à me le procurer.
En ce qui concerne les maths et les romans, je préfère "Oncle Petros et la conjecture de Goldbach", une intrigue policière bien ficelée et qui tient la route qui sert de pretexte pour raconter une histoire d'une partie des mathématiques les plus passionnantes.
Tu vis au Maroc?
Bienvenue, Laura, j'habite à strasbourg capitale des cigognes et de la choucroute :)
nice blog thx kalima