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littérature

  • Le problème de l'eau au Maroc (la chasse d'eau et les poètes)

    Pour trouver l'inspiration, certains écrivains ont besoin de s'isoler dans des endroits assez insolites. Faulkner et Garcia Marquez avaient une prédilection pour les bordels. Kafka aimait se réfugier dans sa cave pour écrire. Un auteur Français s'est enfemé durant des mois dans sa salle de bain pour écrire un roman. Le champion de tous est certainement le poète Anglais John Harington (1561-1612) qui préférait s'isoler dans les toilettes. Pourquoi le choix d'un tel endroit inhospitalier ? Etait-ce le seul lieu où sa muse lui fixait des rendez-vous ? ou bien Harington considérait-il la poésie comme une manière de vider ses tripes et voulait-il ainsi joindre l'utile à l'agréable ?

    En tout cas, Harington n'a pas connu la célébrité grâce aux poèmes qui lui furent inspirés dans les Water Closed, mais plutôt parce qu'il fut l'inventeur en 1595 du premier système de chasse d'eau de l'histoire.

    A la fin du 19ème siècle, avec l'arrivée de l'eau courante dans les appartements, la chasse d'eau se diffusa dans toute l'Europe. Puis durant le XXème siècle, avec la généralisation du mode de vie occidental, la chasse d'eau fut unanimement adoptée aux quatre coins de la planète.

    L'humanité doit beaucoup au poète Harington. Grâce à son invention, la vie est devenue plus confortable. Fini les mauvaises odeurs et les essaims de mouches dans les appartements. Fini les longues escapades à la recherche d'un coin isolé pour faire ses besoins loin du regard des voyeurs et autres pervers, escapades qui relevaient parfois de l'aventure surtout la nuit ou durant les hivers glacials. Mais l'inconvénient, c'est qu'une chasse d'eau ça consomme énormément. Elle devient un réel fléau dans les régions désertiques et sèches.

    secheresse.jpgD'après un rapport récent de la Banque mondiale, la soif guette le Maroc à l'horizon 2050. La disponibilité de l'eau par habitant diminuera de moitié. Il faut donc engager des réformes sur le plan politique et technique et mettre un terme au gaspillage de l'eau. 

    En particulier, il faut absolument trouver un système alternatif à la chasse d'eau au moins dans les régions sèches. Rappelons qu'avant la généralisation de la chasse d'eau dans les habitations au Maroc, il existait des systèmes traditionnels assez ingénieux pour évacuer les excréments et la puanteur qui s'en dégageait. Par exemple, dans la ville de Figuig, située dans une oasis, le trou qui se trouvait dans la pièce qui servait de toilettes était relié par un tunnel aux jardins maraîchers. Le tunnel était creusé astucieusement de sorte que les mauvaises odeurs ne remontaient pas pour empester les appartements du Ksar. En plus les excréments étaient récupérés pour servir d'engrais naturel. On ne peut que regretter le fait que les architectes Marocains n'aient gardé de l'architecture traditionnelle de leur pays que les ornements et les mosaïques.

    Face à l'incompétence des architectes Marocains et autres experts, le ministère de l'équipement de sa Majesté devrait songer à recruter quelques poètes. Ceci aura l'avantage de faire vivre les poètes Marocains qui ont du mal à joindre les deux bouts, et en plus peut-être qu'il se trouvera parmi eux un Harington qui aura assez d'inspiration pour inventer un système capable de mettre fin aux gaspillages et déperdition de cette denrée rare qu'est devenue l'eau.

     

  • Ceux qui refusent de marcher en file indienne

  • choc des civilisations ou malaise dans la civilisation ?

    Lorsque le coin le plus reculé du monde a été conquis par la technique et peut être exploité économiquement ;

    lorsque ce qui arrive sur la planète, à n’importe quel endroit, à n’importe quel moment, est accessible ;

    lorsque, à travers la "couverture médiatique en direct" on peut simultanément "vivre" un combat dans le désert irakien et la représentation d’un opéra à Pékin ;

    lorsque, à l’heure du réseau digital mondial, le temps n’est plus que vitesse, instantanéité et simultanéité ;

    lorsque le gagnant d’un jeu de télé-réalité est considéré comme le plus grand homme d’un peuple ;

    alors, oui, surgit de tout ce tumulte, tel un spectre, la question : et pourquoi ? pour aller où ?

    – et alors ? …

     

     

    0e0f90e90ad39a6cd211f5d1a904b7c0.jpgJe viens de lire « Bienvenue dans le désert du réel » de Slavoj Zizek. Le philosophe et psychanalyste Slovaque nous livre des analyses fines de tous les investissements pulsionnels et idéologiques qui façonnent notre nouvel ordre mondial depuis l'effondrement des tours jumelles un certain 11 septembre 2001. Il y démonte toutes les illusions soutenues par nos bien-pensants du moment, pour démontrer, entre autre, que le vrai choc des civilisations n’est en réalité qu'un choc à l'intérieur de chaque civilisation, que l'alternative idéologique opposant l'univers libéral, démocratique et digitalisé, à une radicalité prétendument "islamiste" n’est en définitive qu'une fausse opposition, masquant notre incapacité à percevoir les vrais enjeux politiques contemporains.

     

     

    e4d12627de92f511a7a900a1ba27291f.jpgZizek est un des penseurs les plus décalés du moment, un poseur de questions hors normes qui ne recule devant rien pour percer le secret de nos contradictions. Son écriture est pimentée par des anecdotes tirées de films populaires et de blagues, ce qui rend sa lecture agréable et plaisante. D’ailleurs « Bienvenue dans le désert du réel » fait référence à la phrase prononcée dans le film Matrix, par le chef des rebelles, Morpheus, lorsqu’il accueillit Néo, le héros du film, dans la "vraie réalité" d’un monde dévasté par un ground zéro planétaire. 

  • l'ordinateur, cet objet archaïque et dangereux

    L’ordinateur est le symbole par excellence de la modernité. Pourtant un rapide survol des mythes et de la littérature ancienne nous démontre qu’il est l’un des objets les plus archaïques au monde. L’idée de réaliser des machines intelligentes est aussi vieille que l’homme, elle rejoint le rêve de l’immortalité dans la liste des fantasmes permanents de l’humanité.

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    Dans le chant 18 de l’Iliade, Héphaïstos a fabriqué des tables à trois pieds capables de se mouvoir toutes seules dans le palais des dieux. La mythologie grecque relate aussi des histoires de femmes en or, douées de raison, capables de travailler et de parler, Pygmalion ira même jusqu’à épouser une de ces créatures Galatée qu’il a lui-même façonné.

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    Dans la tradition juive, le Golem est un être artificiel fait d’argile chargé, en cas de danger, d’avertir la communauté vivant dans le ghetto. Ce mythe du Golem inspirera plus tard à Mary Shelley son personnage de Frankenstein.

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    On trouve aussi l’équivalent du Golem dans plusieurs contes des mille et une nuits : des statues posées à la porte de certaines villes s’animent et alertent les habitants dès qu’un étranger s’approche de leur ville, on retrouve là l’ancêtre de la vidéo  surveillance et des systèmes d’alarme. D'ailleurs, la fameuse formule « Sésame ouvre-toi » est tout simplement l’équivalent d’une commande vocale.

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    e018c798c55b4aa51a632df9d08a63bf.jpgCes êtres artificiels de la mythologie, ancêtres de l’ordinateur et des automates, sont tous doués d’intelligence, ils sont au service de l’homme mais ils le dépassent par leurs capacités et ce qui étrange c’est qu’ils finissent tous par se retourner contre lui.

     

    Ne doit-on pas alors s’attendre au pire quand on sait que les mythes ne sont que des réminiscences de rêves collectifs et que certains rêves sont prémonitoires ?!

     

    Saïd B.
  • une autre vision des événements du 11 septembre

    A l'occasion de l'anniversaire des événements du 11 septembre, je remets en ligne un billet que j'avais publié à l'occasion de ces événements. Hélas, il est toujours d'actualité :

     

    La nuit dans le désert, le ciel est d’une profondeur religieuse, profondeur accentuée par la nudité du paysage. Les étoiles semblent y être des milliers de torches allumées pour célébrer la déesse lune, pour rendre plus éclatante sa transparence et plus profond son mystère.

     Face à ce paysage, les Arabes accordèrent une grande importance à la lune. Ils adoptèrent le calendrier lunaire, et deux des piliers de l’Islam, le ramadan et le pèlerinage à la Mecque, sont déterminés par l’astre de la nuit. Bref, la lune devint pour les Arabes le symbole de la perfection, du mystère et de la grâce. Jusqu’au jour où les Américains posèrent leurs pieds sur la lune. Ils montrèrent alors un paysage de désolation. La lune n’est que ravins et poussière. Elle ne brille d’aucune beauté, elle ne recèle aucun mystère.


    Ce fut un petit pas boiteux pour les Américains, et un grand pas dans le vide pour les Arabes.

     


    Cette parabole peut servir comme grille de lecture, parmi tant d’autres, des malentendus entre l’Islam et l’Occident. Elle peut nous éclairer sur le fait que la modernité incarnée par l’Occident bouleverse les valeurs de la majorité des êtres humains, en démystifiant et en désacralisant le réel, sans pour autant les faire bénéficier de ses bienfaits, ni donner sens à leurs destins individuels et collectifs.


    L’Occident doit revoir son rapport au monde et aux autres. L’arrogance que lui procure sa puissance technique et scientifique ne peut le conduire qu’au reniement de ses valeurs, des autres, et finalement de lui-même.


    Par ailleurs, les musulmans doivent prendre conscience qu’ils peuvent rendre sa beauté à la nuit de plénitude, à condition de repenser leur vision du monde et leur passé. «La beauté n’existe que dans les yeux de celui qui la regarde», chantait l’un de leurs poètes. Ils doivent rechercher les causes de leur déclin d’abord en eux-mêmes, au lieu d’en accuser toujours les autres.

     

    Saïd Baïlal