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L'ironie de l'Histoire

L'Histoire a-t-elle une finalité ? Avance-t-elle en permanence en ligne droite ou en spirale ? est-elle prisonnière d'une roue éternelle ? Est-elle par essence progressiste ? Est-elle au contraire absurde ?

 

"Même quand elle progresse, l'Histoire regorge de détours absurdes que l'homme ne peut supporter qu'en s'armant d'ironie. L'Histoire elle même est ironique, et elle avance sans se soucier de l'humanité de ses acteurs ou de ses victimes.

Approcher l'Histoire avec ironie, c'est à dire sur ses façons de faire, ironiser sur notre propre attitude à son égard, permet à nos âmes oppressées de respirer.

L'ironie n'est pas faite que de désepoir. Elle est comme un duel élégant avec l'Histoire. Elle vous permet de l'affronter à jeu égal sur son terrain. Il faut un certain nihilisme pour supporter la sauvagerie de l'Histoire, car elle n'a jamais été juste ni élégante. C'est ainsi que j'ai appris à me dégager légèrement de l'actualité immédiate pour méditer sur l'Histoire dans son mouvement général."

Mahmoud Darwich

Commentaires

  • D'où est tiré cet extrait ? la Palestine comme métaphore ?

  • Oh oui
    parvenir à se sauver
    se préserver de ce "tout arrive"
    (émission de la grille moderne de France Culture" où effectivement, comme le dit si bien Virilio, plus rien ne voyage, ni ne part ... tout arrive)
    l'actualité c'est ce qui nous englue
    et nous empêche de vivre avec la totalité de nos peaux
    comme
    un arbre qui n'aurait plus que son écorce.
    Oh oui
    faire un pas de côté
    et laisser passer le chariot fou de l'actualité ... alitée ?

    Luc Comeau-Montasse

  • @la seine, marhba,
    c'est un extrait d'une interview qui figure effectivement dans le livre "la palestine comme métaphore",
    dans ce livre on sent un Darwich qui se détache de sa condition de Palestinien pour épouser un point de vue plus universel et c'est tant mieux pour nous car il est d'une grande sagesse,

    @luc,
    très beau,

    regarder le monde exclusivment par l'oeil de l'actualité c'est se priver de perspective et donc de point de vue,

    et comme dirait Virilio, c'est comme regarder le monde en images accélérées c'est à dire se priver d'oeil, ne plus percevoir du monde que son pâle reflet

  • De quelle histoire parle t on là ? Celle de la matière, de l’univers, de la terre ou de l’espèce humaine. Quelle est NOTRE histoire ? Celle des civilisation ou celle de l’évolution….
    L’histoire, un genre romanesque comme un autre qui n’a pas grand intérêt puisque tout ce cumule.

  • @métalogos, bienvenue

    Darwich parle ici de l'histoire de l'humanité telle qu'elle se déroule et non telle qu'elle s'écrit, il conseille de savoir approcher la première avec ironie pour ne pas désespérer lorsqu'elle nous parait absurde,

    quant à l'histoire telle que les hommes l'écrivent ou la racontent, effectivement comme le disait Paul Valéry elle n'a rien à nous apprendre puisque on y trouve tout et son contraire, elle justifie tout !

  • L’histoire est un concept globalisant et j’ai du mal à concevoir comme pertinent de méditer sur le mouvement « général »( le sens ) que peut avoir un concept aussi abstrait.
    Ps : C’est ma manière à moi d’ironiser face à l’histoire

  • L'HISTOIRE SANS FIN

    D'un pas cagneux, l'Histoire avance vers nulle part
    Seuls s'en sont échappés quelques heureux trainards
    Touchés du doigt par une réalité d'azur
    Sortis des étalages de la devanture

    Devançant l'ultime appel des conscrits défunts
    Ils ont pris le mors et le joug du resplendir
    Peu leur importe où mène ce merveilleux chemin
    Sur lequel le seul vrai enjeu est de servir

    Plus de mouvement inspiré par les tortures
    Et divagations d'un mental très erratique
    Plus de repos voulu par les sombres blessures
    D'une psyché au profil plutôt hystérique

    Mouvement et repos fondus en un éclair
    Abolissant espace et temps plus qu'éphémères
    Ils se moquent bien des soubresauts de l'Histoire
    Ils n'ont que faire de tous ces vaseux racontars

  • @métalogos

    Toute histoire écrite n'est que l'archéologie de la simulation et des simulacres, même la moins officielle, la plus honnête, la moins impliquée dans les enjeux de pouvoirs. L'Histoire elle, se joue de tous celà et nous bombarde sans répit, de paraboles définitivement ironiques, telle celle-ci :
    le cactus d'Afrique du Sud, grâce auquel les Bantous dans leur désert résistaient à la faim et à la soif, est devenu de nos jours, aux Etats-Unis, un remède miracle contre l'obésité.
    ou celle-là :
    la grippe aviaire redistribue les cartes et nous acculent soit à nous ouvrir en nous disant avec Hölderlin "là où grandi le danger croît aussi ce qui sauve" ou à l'inverse, nous enfermer davantage dans notre panique sécuritaire, dans ce "déséquilibre de la terreur" ... en attendant que l'histoire qui va son chemin, ironique, daigne nous apprendre que c'est dans l'excès de sécurité qu'est le péril extrême.

    Nous avons le choix entre endosser le sérieux comptable et instaurer la tolérance zéro pour les oiseaux migrateurs ... des murs electroniques (cf. la guerre des étoiles de Donald Regan), des expéditions de chasse (ça relencerait l'économie des loisirs) ... jusqu'à les exterminer ou totalement les domestiquer et les aseptiser ... Bonjour le monde sans ailes comme dirait Leblase.
    ou ... opposer l'ironie à l'ironie, comme suggère Mahmoud Darwich, et affronter l'histoire à jeu égal sur son terrain ...
    Mais comme nous nous sommes qu'au début. Et comme selon Baudrillard : "Nous sommes les aborigènes, les anthropoïdes du virtuel _à peine au stade de l'invention du feu et de la station debout dans l'histoire universelle." Bingo ! Une troisième alternative s'offre aux paresseux, aux impatients, aux fatigués de l'histoire : s'enterrer avec sa montre digitale à pile d'uranium. Ils sauront ainsi dans la mort éternellement l'heure qu'il est, à un millième de seconde près.

  • @la seine, merci pour ce bel exposé,
    l'ironie qui s'en dégage est signe d'un observateur averti,
    j'ai découvert grâce à toi le billet de leblase qui m'a donné des ailes,

  • Une belle réflexion d'Octavio Paz sur l'histoire :
    « Situation unique : pour la première fois le futur n'a pas de forme. Avant la naissance de la conscience historique, la forme du futur n'était ni terrestre ni temporelle : elle était mythique et s'ordonnait en un temps situé hors du temps. L'homme moderne fit descendre le futur, l'enracina dans le terrestre et le data : il le convertit en histoire. A présent l'histoire en perdant son sens, a perdu son empire sur le futur et sur le présent aussi bien [...] la parole du poéte ne fonde ni n'établit rien, si ce n'est sa propre interrogation [...] : elle est remise au temps, ce temps qu'à nous tous nous faisons et qui tous, nous défait. En attendant, le poète écoute. Il fut par le passé, l'homme de la vision. Aujourd'hui il affine son oreille et perçoit que le silence même est voix, murmure qui cherche la parole en quoi s'incarner. Le poète écoute ce que dit le temps, même s'il ne dit rien. [...] Conscience historique et besoin de transcender l'histoire ne sont peut-être que les noms que nous donnons aujourd'hui à cet antique et perpétuel déchirement de l'être, toujours séparé de soi, toujours en quête de soi. [...] Etre le monde sans cesser d'être soi. [...] Dans le poème, l'être et le désir d'être pour un instant font trêve, comme le fruit et les lèvres. Poésie, réconciliation momentanée : hier, aujourd'hui, demain ; ici et là ; toi, moi, lui, nous tous ensemble. Tout est présent, sera présence. »
    L'Arc et la lyre

  • merci zaïat pour ce beau éclairage d'Octavio Paz,

    R. Char a écrit "à chaque effondrement de preuves, le poète répond par une salve d'avenir", Char était peut-être le denier spécimen du poète fondateur et éclaireur d'avenir.

    mais bon reste à savoir si le poète peut encore intervenir, et comment, dans un monde où le futur se perd dans les méandres d'un présent rendu trop pesant par la modernité. Présent dont une bonne partie de l'humanité est exclue et qui rend le futur angoissant puisque indiscernable et le passé séduisant comme lieu de tous les fantasmes ?!

  • Oui
    je crois sincèrement que le poète peut encore intervenir dans ce monde et ses ramifications dans les futurs

    (Il d'ailleurs bien le seul
    puisque le reste n'est qu'en chute libre
    c'est à dire en boucle de rétroaction cybernétique
    dans lesquels l'action conditionne la réponse
    ...
    voir ce que l'on admire chez certains HP*)

    A condition bien sur qu'il n'écrive pas uniquement ses poèmes
    avec sa plume
    mais aussi
    avec ses larmes
    avec son sang
    ...

    Sinon, j'ai suivi les contributions démarant de ce qu'a apporté métalogo
    oui bien sur l'histoire
    cela n'a aucun sens
    pas plus que Le nuage
    pour qui verrait l'eau condensée telle qu'elle est réellement
    à savoir
    faisant le tour de la planète en un seul amas plus ou moins dense

    c'est notre discours qui invente
    la limite
    et sa propre définition de la nuance

    donc l'histoire ?

    A partir du moment où l'homme a ressenti le besoin de mentir
    ce qui n'est possible efficacement qu'avec du code
    (un chien ne pouvant dire "je ne te mordrais pas !" )

    *Hommes Politiques

  • Intervenir ? je ne sais pas si c'est véritablement son rôle. Il n'est ni philosophe ni politique au sens noble. Ou alors dans le sens de "venir entre", ouvrir des brèches, des failles, déchirer le réel pour tracer des lignes de devenir. Eclater les limites pour agrandir le monde. Un peu comme les trous noirs de grande masse qui créent leur propre espace et entraînent avec eux des galaxies entières.

  • Oui
    tu as raison Zaïat de nuancer mes propos

    Le poète (PrOphETE) est un rechargeur de mot
    lesquels redonnent de la saveur au réel

    mais
    je crois qu' il faut un geste pour équilibrer une parole
    et ne pas tomber dans la simulation ou le mensonge

  • Je ne suis ni un politologue ni un historien .
    Je me contenterai de faire le rapprochement avec notre cheminement individuel quel que soit le type d'apprentissage .
    Que ce soit l'étude d'une matière quelconque ou la maîtrise d'une capacité , la progression n'est jamais linéaire , c'est toujours en spirale , avec des regressions apparentes .
    Je dis apparentes car ces reculs précédent souvent des progrés importants , comme si nous avions besoin de reculer pour mieux sauter .

  • L'Histoire des jours qui se suivent est humaine (trop humaine ?), l'Histoire de l'Univers est mystérieuse. C'est ce mystère qui fait et défait notre "petite" Histoire.

    "Peut-on demander à la goutte de penser l'océan, peut-on demander à la seconde de penser l'éternité".
    Je n'ai plus souvenir du poète qui a écrit celà ( j'ai peut-être trahi également sa prose - mais pas la pensée). Qu'il me pardonne, je vais chercher dans mon ... historique.

    En tout cas, remarquable billet et remarquables commentaires.

  • Bonjour Kalima,

    Je découvre ton blog. J'aime Darwich, je le lis à tous les jours. Aujourd'hui comme par hasard, j'ai lu La terre nous est étroite.
    Les hommes pensent avec tort faire l'Histoire oubliant souvent que les circonstances déterminent son évolution. Regards rivés sur les images, sur des articles, oreilles accrochées au poste radio, nous oublions l'essentiel. Nous nous nourrissons de sensationnel et d'immédiat oubliant ainsi que l'équation n'est pas aussi simple que notre esprit la voudrait. Consommateurs effrénés, nous ne pensons même plus à digérer ce que nous igurgitons tout simplement fiers d'absorber.

  • http://www.tv-radio.com/ondemand/france_culture/MEMORABLES/MEMORABLES20060223.ram

    Jorge Luis Borges commente et resitue l’extrait des « Ruines circulaires » en le comparant à d’autres textes.
    Il évoque la philosophie et la métaphysique et parle de sa recherche de l’absolu, du rapport entre la métaphysique et la fiction et la place qu’il donne à l’histoire.

  • loula> marhba bik,

    laseine> merci pour le lien, je vais me replonger dans certaines de ses interviews et relire ses conversations avec Ernesto Sabato, il me semble qu'il y aborde aussi cette problématique de l'histoire et de la fiction

  • Oui
    c'est sympa Laseine
    de nous avoir donner cette bonneadresse
    en allant me coucher je mettrai en route la captation de voix

    j'adore Borges
    il m'a fait découvrir
    la tâche du léopard qui explique le monde

    dans un rêve j'ai tout compris
    au réveil tout avait fuit

    mais le souvenir demeure

  • bravo pour votre blog

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