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la forme des poussettes et la folie du monde contemporain

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Le site de Luc garde à vue est un lieu riche en découvertes et surprises. Je viens de découvrir grâce à lui l’un des auteurs les plus percutants aujourd’hui, Olivier Rey,  jeune professeur de mathématiques à l'Ecole polytechnique, chercheur au CNRS nourri de philosophie, de sociologie, de psychanalyse et de littérature.

 

Olivier Rey vient de publier « une folle solitude » un traité de philosophie qui se lit avec passion et surprise. L'auteur interroge le caractère «faussement rationnel» d'un monde qui croit pouvoir s'orienter grâce à la seule boussole scientifique et technique. Voilà qui «laisse la raison calculante seule avec elle-même - ce qui veut dire: seule avec l'inconscient». L'humanité passe alors dangereusement en pilotage automatique si l'on veut bien se rappeler que l'inconscient n'est autre que «l'infantile en nous».

 

Les poussettes d’aujourd’hui, d’après Olivier Rey sont de vrais symptômes de notre temps. L’invention des petits véhicules pour transporter les bébés a rompu le contact physique avec l’adulte. Seul un contact avec le regard des adultes subsistait tant que la poussette était orientée vers le parent. Ensuite, dans les années 1960-1970, l'orientation de la poussette change. Elle fait désormais face au monde.

 

Que signifie cette rupture?

Les fabricants de poussettes veulent-ils favoriser un apprentissage précoce à l'autonomie?

 

Les partisans de la modernité affirmeraient que confronté au monde, l'enfant s'éveille plus vite. Il interpréteraient ce changement comme étant «le souci de promouvoir la liberté, la créativité, l'autonomie» de l'individu, souci inscrit dans l’idéal des lumières.

 

Olivier Rey récuse ces interprétations. Pour lui cette perspective nouvelle manifesterait plutôt «la difficulté aujourd'hui à assumer le rôle de parent», à transmettre la loi, à instituer le sujet dans une société démocratique. «Tourner l'enfant vers le monde n'est pas une réponse mais le déni des questions.» Les poussettes sont à l'envers: «Il n'était pas si mal que les enfants gardent un moment, dans leur champ de vision, la génération qui les a précédés», conclut Olivier Rey.

 

Désormais le petit d’homme en est tout retourné : il doit regarder vers l’avenir et, pour ce faire, ignorer les liens qui l’attachaient au passé et à la famille. La poussette détournée du passé symbolise pour Olivier Rey le fantasme de l’homme auto-construit qu'on voit à l'œuvre partout aujourd'hui, l’homme ne veut plus rien devoir à un grand Autre - qu’il le nomme Passé, Père, Dieu ou Nature. Il veut non seulement être lui-même mais se faire lui-même.

 

Selon l’auteur nous ne sommes qu’au commencement de cette histoire de fous. La folie ne croit pas à la causalité et c’est pourquoi l’homme de l’auto-construction, l’homme sans généalogie, est fou. Comme le Dieu de la théologie traditionnelle dont il prend la place, l’homme moderne voudrait être cause de soi, d’où sa folle solitude.

Commentaires

  • Bel article Kalima
    sur un livre qui fait signe
    l'humanité à l'article de sa mort
    pour avoir oublié ces petits mots qui relient et vous poussent
    sans vous précipiter
    eux, ils elles
    qui nous précédaient...

  • ( Viviane : A l'article défini (sourire triste) )

    Merci Kalima pour ce développement
    en relayant cette réflexion d'Olivier Rey un peu partout sur la toile (et ce que tu en dis me donnerait envie de le lire si ce n'était en cours) il faut espérer que nous seront nombreux à nous réveiller de ce délire.

    (Il y a eu aussi la tendance à mettre les classes - sans médiation - dans le sens de la nouvelle poussette.)

    ce qui est inquiétant dans l'époque c'est que tous les excès sont essayés les uns après les autres
    et abandonnés pour leur contraire bien après le désastres qu'ils causent.

  • salut viviane et luc,

    Les hommes passent souvent d'un excès à un autre, d'une société où la tradition ne laissait guère de place à l'individu, où le "Nous" écrasait le "Je", la modernité nous a fait passer à une société qui veut renvoyer aux oubliettes toute tradition, qui veut couper l'individu de tous ses liens en l'instituant comme une "totalité".
    Heureux ceux qui savent encore conjuguer leur singularité tout en gardant les liens avec leurs semblables, leurs comtemporains comme leurs prédecesseurs.

  • Bien vu ce sympôme de la poussette inversée, et merci de relayer le propos d'Olivier Rey. Cela donne en effet envie de le lire.

  • Cet article est très intéressant .
    Je ne connaissais pas cet auteur et vous me donnez envie de le découvrir .
    Merci .

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