La mystique
"La pensée retire le voile épais qui recouvre l’univers pour le remplacer par un autre si léger qu’on le devine à peine.
Nous ne percevons le monde qu’à travers la transparence de ce voile, disait-il en ajoutant : « et si ce voile était le langage »" Edmond Jabès.
5.6- Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde.
6.522- Il y a assurément de l’inexprimable. Celui-ci se montre, Il est l’élément mystique. Ludwig Wittgenstein
Tableau : Saad Tazi
Il y a une incomplétude inhérente au langage. Une langue est un ensemble de signes dénombrable et discontinu, qui malgré la plus-value apportée par le sens, ne peut rendre compte du tissu continu qui relie les choses, les êtres et les évènements.
L’expression verbale d’un sentiment par exemple ne peut se confonde avec le sentiment éprouvé, et plus généralement le monde nommé ne peut se confondre avec le monde réel.
Il y aura toujours un écart entre l’expression verbale et la réalité vécue. La poésie comme la mystique trouvent leur origine et leur légitimité dans cet écart.
Commentaires
Rester conscient des pensées sans s'y identifier. Un simple observateur..
Coran ou soufi : "Et il [Dieu] apprit à Adam tous les mots".
Mais est ce que le langage exprime t'il réelement la pensée ?
@ adjaya, c'est une gymnastique difficile mais parfois necessaire,
@Youness, je ne connais pas toutes les interprétations du verset coranique auquel tu fais allusion, une des interprétations possibles est le fait que l'Homme est privilégié dans la création parce qu'il détient le pouvoir de nommer les choses et les êtres, "nommer c'est posséder".
"Est-ce que le langage exprime réellement la pensée ?" je crois qu'il y a une part de la pensée qui ne peut être exprimée dans aucun langage symbolique,
(Et la calligraphie permet de redonner de la texture à ce qui était devenu mensonge d'ange)
Le mot prend souffle du côté du poète
et expire sous la plume de l'exégète
et du scientifique
@luc,
l'exégète et le scientifique en assignant au mot un sens bien délimité l'appauvrissent, il finit par "expirer", comme tu le dis si bien, sous leur plume,
alors que le poète cherche à cultiver l'ambiguité du mot en explorant tous ses plis et recoins, pour faire émerger l'excès de sens,
il ya un écart entre le mot et la réalité,le mot et la vérité,
des fois le mots surexprime la réalité,l'enjolive,la rend noble et supportable,souvent le mot est impuissant,ne peut contenir le vrai,le serrer,l'emprisonner,il ne fait que le frôler,le mot est traitre,pareil à celui qu'il l'a crée!le mot est rêve,échapatoire,fantasme,le mot nous fait vivre perpetuellement ailleurs,le mot qui nous enchaine à l'autre par des filets invisibles,le mot,qui cause notre perte,et si le mot n'existait pas,le son n'existait pas,et si tout n'était que mutisme.
très beau texte kalima,...LE mot
les mots sont les formes grossières des pensées et les pensées sont les formes grossières et déformées de la réalité
je repense à une phrase qui rappelle la note de Luc, elle est de Léo Ferré : "Les mots nous leur mettons un masque, un baillon sur la tronche. A l'encylopédie les mots !"
oui le monde nommé ne peut se confondre avec le monde réel, mais ces diversités d'expression ne sont-elles pas richesses et reflets de l'autre ? A nous de décrypter.
L'hypothèse dite de Sapir-Wolf (c'est la langue qui donne forme à notre expérience du monde), est en opposition avec l'hypothèse dite épicurienne : chaque peuple invente sa propre langue pour rendre compte de sa propre expérience.
Bien sur!: c'est parce qu'il n'y a pas de mot juste pour dire les choses qu'il y a mille façon de le dire : ainsi la porte reste ouverte pour les poètes...
TAPINAGES ET COMPROMISSIONS
Entre deux mots le moindre dit le proverbe errant
Ce n'est pas la pensée qui connaîtra la Vie
Compréhension implique possession, du vent
La mystique se rit fort de ce qui qualifie
Moyens inadéquats permettant de saisir
Comment saisir ce qui est hors du périssable
Pensées comme projections d'un cruel devenir
Peut-on transformer les alliages inaltérables
Le sens n'est plus-value que pour les cérébrés
Suivant les rails de la folie préprogrammée
Esclaves du libre-arbitre d'un processus mental
Résultant d'un profond conditionnement létal
S'il n'y avait qu'un seul voilage surimposé
Le déniaisement ne serait pas trop ardu
Mais l'art du tricotage des ombres de pensées
Entretient le maillage autour de l'Amour nu
Ton univers est pure projection de ta part
Tu es le créateur fou de ce labyrinthe
Ta pensée est plus enivrante que de l'absinthe
Ose donc pratiquer l'absence du regard
La poésie ne sera jamais légitime
Elle bafoue ces règlements de propriétaires
Elle est fille du réel et non de l'adultère
Elle n'est pas fruit de la prostitution intime
Des musiques que j'entends ici et là à propos de la note de Kalima
il me revient d'avoir eu l'impression violente d'un monde
qui semblait de plus en plus aimer la poésie
et de plus en plus
détester les poètes
en chair
préférant de loin les images du passé
ou du présent
(c'est à dire la personne numérisable)
peu importe finalement
ici et là
ton trouve encore du rechargeur de mot
Luc
dfdn
cheval blans est candide :
notre langage est notre bord. notre limite, mais rien ne dit que nous ne sommes pas "nous mêmes" des sortes de mots d'un langage "d'existence", par la même et vu de l'interieur ce dialecte "corporel"de "réalité vécu" nous échappe,...non? peut être?
voilà mon intuition-idée à la minute ou je tape ces lignes, en gros, le langage est une extremité car au dela nous ne comprenons pas, mais bon moi, hein, ce que j'en dit hein ! d'ailleurs je ne suis même pas sur d'être dans le sujet.
"words will be movement
language silenced will lie
beauty intensed in shades exact
so perfect to the eye."
proverbe equestre/blond horse/ victoria davis
salut amical
"Il y aura toujours un écart entre l’expression verbale et la réalité vécue. La poésie comme la mystique trouvent leur origine et leur légitimité dans cet écart"
Et à nouveau, avec des mots qui ne sont qu'à vous, même s'ils sont 1000 fois répétés, vous nous parlez de l'entre-deux...
J'aime beaucoup le candide cheval blanc, et l'intuition-idée que nous ne serions que les mots d'un énoncé plus vaste dont le sens nous échappe..
J'admire l'homme pour cette capacité à saisir l'infini avec une poignée de cailloux, genoux, hiboux... dix-huit mots ou dix-huit mille pour saisir un éther qu'il ne peut seulement penser, et pourtant il persiste...
Et j'aime Kalima pour la lumière que m'apportent ces notes, ce que je ne saurais lui dire avec aucun mot que je connaisse sans aborder des rivages sémantiques auxquels je ne souhaite accéder.. Je laisse donc dériver l'idée, au gré des courants linguistiques de chacun..
Kalima, un mot simple pourtant : merci
@chevak blanc, j'aime beacoup ton idée, nous ne sommes peut-être qu'une phrase qui attend son champollion,
@pushkine, merci
Ce que tu dis @chevak blanc
me fait penser à Borges
ces tâches sur la robe du jaguar
qui
convenablement déchiffrées
sont la clé de la compréhension du monde
les enfants le savent bien
eux qui
sans toujours nous le dire
déchiffrent le sens des nuages
Luc
dfdn
Réponse de "lignenomade" sur la ligne arabe.
Il est toujours rassurant de savoir qu'il y a des alliés pour contaster le réel. Tout reste à faire. Qu'en pensez-vous ? "Kalima" d'arabe.
@Ridha Dhib,
je pense que ta tentative de donner une fome "rhizomique" à la ligne nomade, de la faire dialoguer avec les éléments est déjà le début d'une réponse,
amitiés
étonnant, troublant, lapsus digital de Ridha : contaster comme l'entre-deux de constater et de contester ! et bien des fois si ce qu'on pense c'est pas ce qui s'écrit, alors alors, hein ? et bein : tout est permis!
(Merdre je ne m'était jamais vu comme un potentiel lapsus, moi même!)
"Nous ne percevons le monde qu’à travers la transparence de ce voile, disait-il en ajoutant : « et si ce voile était le langage »" Edmond Jabès.
5.6- Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde. "
Mon propre monde ...
Je ne connais pas l'auteur qui a écrit ces mots , donc je ne connais pas le contexte . Veut -il parler de notre monde subjectif personnel , propre à chacun du fait de notre histoire personnelle unique , ou veut il exprimer un monde plus intérieur qui est au dela du langage ?
Ces deux citations , du moins à coup sur la première , supposent que notre conscience a comme limite non le langage , mais la pensée dont le langage n'est qu'un support .
Il suffit pourtant de tenter les méditations de quelque religion que ce soit pour expérimenter , sans aucun doute possible , que "notre propre monde " sans pensée , est d'une réalité , d'une viguer , d'une force , et surtout d'une vérité considérablement supérieure à la conscience avec pensée .
Le mysticisme , c'est faire un pas dans la conscience pure où la pensée est un frein .
Edmond Jabet a raison d'exprimer que la pensée a un role très utile , fondamental ,qu'elle est créatrice d'évolution constructive , mais quand il s'agit de mystique , la pensée , à son tour , devient un voile épais .
Je découvre ton blog...Espace très sympathique, j'y reviendrai c'est sur...
Bonne continuation...
@jean, la mystique reste un voyage incertain vers une contrée où la parole se dissout, elle reste fondamentalement une expérience singulière difficile, voire impossible à partager,
@manal marhba bik
kalima,
ce n'est pas que ce soit difficile à transmettre ou partager, c'est surtout les chaînes dont se charge à peu près tout le monde qui rendent l'opération délicate:
"dix mille paroles dites à l'oreille d'un sourd ne servent à rien". et les sourds AIMENT cet esclavage de la peur et de l'avidité, c'est tout.
quand on se prend pour un dieu (que ce soit le dieu des souffrances ou le dieu d'un plaisir quelconque), il est difficile de descendre de ce piédestal qu'on croit posséder.
...et l'existence n'est qu'un voyage certain vers le cimetière...après un océan de souffrances et d'inconscience sur lequel surnagent quelques îlots de plaisirs illusoires...
Plaisirs illusoires ...
Rousseau disait à la fin de sa vie
perclu de rhumatisme et assez seul
la vie, on y reçoit surtout des coups et des douleurs
(un truc comme cela)
les moments de bonheur y sont rares
pourtant
cela doit valoir le coup
car je regrette d'en sortir
(si quelqu'un retrouve la phrase d'origine ... c'est très approximatif ici)
Luc
dfdn
Je vais sans doute dire une lapalissade mais le mot qu'il surestime ou sous-estime la pensée ou une certaine forme de vérité (mais que veut dire vérité ? une manière de voir les choses ?...), a surtout permis à l'homme de dire à un autre la manière dont il conçoit le monde, donner vie à ce qui n'"existait" pas au-paravant : l'abstrait, l'impalpable.
le mot est une forme grossière d'expression de la pensée; la pensée est le sens de l'abstraction et de la conceptualisation; rien de ce qui sort de la pensée n'a trait à la réalité, ce sont uniquement des formes de représentation, pas vraiment du réel, des projections mentales.
la vérité se situe au-delà des mots et des pensées, elle se lit ou se devine dans les intervalles de silence qui jaillissent entre les signes imprimés. pour avoir une chance d'y accéder, il faut repositionner le processus mental à sa place d'outil et non de phénomène majeur de l'humain; ce processus, quand il est dominant chez une forme humaine, est appelé shaïtan ou diable dans les terminologies religieuses du passé.
il n'est d'être qu'affranchi des murailles du mental.