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Le tyran

"Je sais aussi que la terreur que je vous inspire est telle que même après ma mort vous ne retrouverez le sommeil ni le goût de vivre. (...) Vous avez beau m'enterrer au plus profond de la terre, faire couler sur moi d'infinies laves de béton, m'incinérer et disperser mes cendres aux quatre coins du globe, ou me faire découper en rondelles, je reviendrai hanter vos nuits."

Rachid Mimouni, une peine à vivre

 

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Mon village natal est surplombé par une colline qui porte le nom d'Azrou Hammar (rocher de hammar). On raconte que ce Hammar fut un tyran qui martyrisait les habitants de la région. Ceux-ci décidèrent de s'en débarrasser.

Un d'entre eux se proposa de le faire à condition qu'on s'occupa de sa famille après sa mort. Il emmena Hammar sur la colline en le portant sur son dos, et il se précipita dans le vide avec lui. Depuis lors, cette colline porte le nom du tyran Hammar.

 

J'ai toujours été intrigué par le fait que les habitants n'ont pas retenu le nom de l'homme qui sauva mes ancêtres mais celui du tyran.

Dans la plupart des villes de notre planète, même dans les pays démocratiques, des avenues et des places portent le nom de tyrans sanguinaires. On leur érige des monuments, de longues pages des livres d'histoire leur sont consacrées.

Les tyrans exercent sur la mémoire collective et individuelle une sorte de fascination, mélange cruel de dégoût, de haine et de séduction perverse.

D'où vient cette fascination morbide ?

 

© Saïd Bailal

Commentaires

  • Le mal a toujours fasciné en cela qu'il est l'ultime transgression....
    Tyran capable d'une cruauté hors norme, celui-ci transgresse la morale de manière éhonté, sans peur de la sanction.
    L'insolence avec laquelle "le malin" agit séduit de par sa liberté, on regarde celui qui ose aller vers les territoires que la morale et la conscience condamnent. Enviant cette liberté extrême, craignant la sanction qui ne saurait tarder, la mémoire collective se souvient des peurs fortes, celle qui marque l'inconscient collectif, provoque des récits qui font trembler et incite à la reflexion sur la nature justement de ce mal.
    Le tyran terrorise et pendant longtemps on racontera les effets de la peur, les effets sur chacun. On s'interrogera aussi sur la vraie nature de ce tyran. Certains iront même jusqu'à relativiser ses crimes car selon une vieille habitude humaine qui est de rechercher l'espoir dans chaque être, on tentera de se convaincre qu'il existe une part d'utilité dans l'existence de ce mal absolu.
    Car bien évidemment on ne sait jamais quoi faire de ce "mal", personne n'ayant trouvé la raison de son existence, ni de sa présence sur terre. Cela demeure un mystère qui interroge nos consciences.
    Je dis cela d'une manière naïve aussi simple, bien entendu connaissant par ailleurs les pages qui ont à ce sujet déjà été écrite, je n'avance rien d'autre qu'une petite réflexion pas trés bien formulée. Ne m'en veuillez pas.

  • Waow je ne pensais pas que de telles légendes existaient dans notre culture aussi ! merci de nous instruire!
    Pour ce qui est de ta question,je pense que l'on retient avec plus d'attention le nom des tyrans car ils sont" fascinant" dans le sens où ils ont franchi la voie de la vie dans le mauvais sens et qu'ils y ont excellés! Alors qu'un sage aussi grand soit il nous marque mais pas de manière indélébile car il reste dans la bonne voie! (enfin voilà un semblant de réponse!)

  • Où vois-tu que nos places et nos rues sont au nom de tyrans sanguinaire ?
    D’où tiens-tu que les tyrans exercent sur la mémoire collective une séduction perverse ?

  • Le sujet est trop fort..et nstalgique..je suis venu pour vous saluer tous..
    Greeting

  • Nous sommes multiples
    et le tyran est aussi en nous

    son potentiel de réussite
    exerce une fascination terrible
    c'est ce qui fait
    qu'il n'est pas de pire tyran que l'ancien esclave

    Nos rues
    débaptisées souvent de leur nom vrais et sains
    (rue des Tanneurs, rue du petit clou)
    sont emplies de souvenirs odieux
    (11 novembre - Bonaparte - ...)

    Le despote que nous devons craindre le plus
    est celui qui nous habite
    il peut aider aux travaux de la maison
    si on ne lui laisse pas le champ libre
    de sa voix aussi il nous faut nous méfier
    c'est lui qui
    fasciné par d'autres tyran
    pourra nous donner le goût de les choisir
    dans une sorte de procuration.

    Luc
    dfdn

    Merci pour ce thème de réflexion
    et le chemin qu'il permet de faire en soi
    (la colinne est étrange !)

  • Moi j’ai une autre interprétation qui est peut être hors sujet, un peu déplacée …
    Il s’agit d’une poésie que certains d’entre vous ont sûrement lue dans le métro parisien (les petites pancartes affichées à l’occasion de l’année du Brésil dans les rames)
    Elle dit (je cite de memoire):

    Seul le riche sur la terre
    Conserve un nom dans l’histoire
    Le pauvre vainc à la guerre,
    Le riche obtient la victoire.

  • Je partage le point de vue de Luc :le plus grand tyran , c'est celui qui est en nous : nos habitudes , nos concepts , notre manque d'ouverture .

    Il est vrai que souvent j'ai été choqué par certains noms de rues .
    Dans la petite ville où je vais faire les courses , il y a une rue "Thiers " , le boucher de la Commune de Paris , en 1870 .

    Ce qui me choque le plus , dans ton récit , c'est l'oubli envers celui qui s'est sacrifié pour le village . Tu as raison de le souligner .

    Et que penser , sur un plan un peu différent , de la célébrité de certains acteurs de cinéma , chanteurs , footballeurs ...

    Les chercheurs dans le domaine de la médecine ou autre science , ont ils la même célébrité et les mêmes salaires ?

    Ce qui attire la foule , c'est la réussite apparente . La moralité , la vraie grandeur ...qu'est ce que c'est ?

  • c'est vrai que rues et places portent des noms de tyrans. Et dans le même temps les écoles, elles, portent le nom de grands savants bienfaiteurs de l'humanité ou de grands écrivains qui ont marqué leur siècle...

  • Il est vrai qu'il est étonnant - et d'autant plus choquant, je trouve - que le "héros" ait été complètemenent évincé !

    Luc, je trouve ta phrase terriblement (dans tous les sens du terme) juste et toujours d'actualité malheureusement :
    "... il n'est pas pire tyran que l'ancien esclave".

  • TYRANNIE

    Plus grand est le tyran, plus sombre est la poussière
    Plus épais sont les voiles ammoniaqués du sang
    Celui qu'on a couronné roi des éphèmères
    Se gave de l'orgueil surfait d'un nain puissant

    Le tyran est toujours un objet illégal
    Qui confisque le pouvoir au roi naturel
    Il en va ainsi du processus très mental
    Qui détruit la Vie au profit de l'irréel

    Créature qui se morfond pour peu d'allégresse
    Obligeant ses sujets à guerroyer pour rien
    Reniant toute allégeance et toutes promesses
    Pour se complaire dans le profit et le mesquin

    Amis esclaves cherchez donc la claire vision
    Il n'est jamais trop tard pour une révolution
    Si vous sortez du chemin de prostitution
    Vous trouverez la fin de toutes les questions

  • Kalima > merci de cette réponse mais je reste septique quand à la réalité de ton analyse, l’exemple de Bonaparte me conforte dans mon idée. Je ne pense pas que ceux qui ont été sous le joug d’un tyran soit sensible à sa mort, et si des larmes apparaissent elles sont plus le regret du temps qui s’écoule que celui d’un oppresseur.
    Pour ce qui est de la mémoire du passage à la postérité, il ne faut pas oublier le rôle des biographes (exemple Ch. Colomb comme découvreur des Amériques)

  • ben ce monsieur était sans doute un être malade au point d'interagir avec autrui à travers sa maladie. et puique l'homme est en proie à la maladie il fait peut être des gestes envers ces malades pendant des periodes où il est lui même malade.

  • J'ai mis hier un commentaire qui a disparu . Mon ordinateur a des problèmes de pare feu .
    J'écrivais que je partageais le point de vue de Luc , le plus grand tyran est en nous , c'est à dire nos habitudes de pensées , nos concepts , nos idées préconcues .

  • Mon mot de hier est revenu...mystères de l'informatique ...

  • C'est bizarre, Richard... mais... quand on prononce "tyranne" cela donne une consonance plutôt mignonne et pas du tout effrayante ! :o))

  • Kalima, je me permets de correspondre sur ton billet avec Brûlure filante en lui remettant en mémoire les noms de Brunehaut et Frédégonde, deux tyrannes vraiment pas mignonnes du tout. ;-))

  • richard,
    tu as peut-être raison sur le dernier point, les habitants ont peut-être baptisé la colline du nom du tyran pour ne pas l'oublier, pour donner une leçon à tous les tyrans en rappelant le sort qui peut leur être réservé,

    d'ailleurs les habitants de cette région sont connus pour leur esprit rebelle, ils se sont souvent soulevé contre les despotes, en particulier contre le roi Hassan 2,

    cependant je m'interroge toujours sur l'oubli du nom du héros, pourquoi cet oubli, d'ailleurs j'envisage d'écrire son histoire sous forme romanesque pour lui redonner un nom et un visage,

  • Bon d'accord, Richard... disons que certaines sont aussi mignonnes que... Cruella ! ;o))

  • Kalima, c'est une superbe idée que de redonner sa place au héros de l'histoire de ton village ; il n'en demeure pas moins que le nom du tyran devra être mentionné, et souvent, dans ton roman. Car plus le tyran est ... tyrannique, plus fort seront les héros qui le combattront... et le vaincront.

  • Il a raison le Bateleur et pourtant, à répéter que le pire tyran est l'ancien esclave, ne prend-on pas le risque de (faire) croire que la révolte, la révolution, la justice sont inutiles ? Et Jean a raison : le pire des tyrans, c'est la pensée en tant que tas de mauvaises habitudes et de schémas plus lourds que toute la matière, indélogeables imprégnations de fascination, de soumission et ... d'indifférence.

  • Goutte à goutte presser l'esclave qui est en soi.

    Anton Tchekhov

  • Celui qui "détruit" attire plus l'attention sur lui, que celui qui "construit" ... on le remarquerait à peine !

  • y'a pas d'avenue hitler, pas d'avenue mussolini.

  • A ne pas rater!
    La part de l'autre, Eric Emmanuel Schmitt

  • Merci Kalima d'avoir réagi :

    Je me fais le porte-parole d'Etienne au Liban dans la plaine de la Beqaa à Baalbek :

    moi, c'est cool ici à Paris devant mon clavier, mais lui, il est en pleine guerre sous les bombes qui tombent un peu -beaucoup- partout autour...

    Lis bien son site, vois l'effort, et transmet donc autant que tu peux, car à tout moment, son immeuble, son appartement, son ordinateur, lui-même et sa famille peuvent se faire supprimer par un "dommage collatéral"...

    Et l'archivage que je fais de ses messages ne seraient alors plus que mémoire éphémère sur sa tombe !

    http://guerreliban2006.blogspot.com/
    _____________
    richardvalendorf@yahoo.fr

  • Au fait, j'ai oublié de vous dire, Kalima, que bien sûr votre blog est digne d'intérêt, et que vos textes sont souvent admirables (et vos intervenants bloggeurs ne sont globalement pas mal non plus... !

    Bref, vous aurez compris que l'actualité devenant moins "urgente" en "saloperie", je viendrai chez vous pour plus de discussion "cool" voire "métaphysique"....

    Bref, militantisme poétique !

  • Ce qui attire le peuple, la fascination collective, n'est malheureusement pas la vrai grandeur, ou la vertu morale.
    La société (les gouvernements) ne se base pas sur un indice social ou un indice représentant le "Bien". A commencer par, les grands chercheurs qui découvrent des vaccins ayant sauvés des milliers de gens, n'auront jamais le même revenue ni la même popularité qu'un imbécile qui marque des coups francs à 45mètres.

    Les gouvernements plébicitent, et vantent les mérites, nous obligent à apprécier, à aimer les éléments qui leurs rapportent de l'argent. La Ligue 1 fait gagné plus de frik que la Recherche^^
    Tout cela n'ayant pas totalement un rapport avec la fascination du mal. Sur ce point, il est vrai que l'homme sain d'esprit est obscédé, par celui qui arrive à tuer sans pitié, alors que l'homme sain devellope juste avant d'éffectuer un acte violent, un blocage psychologique et physique, qui l'oblige à arrêter

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