Emigré sans retour
"Le point de départ de l'élaboration critique est la conscience de ce qui est réellement, c'est à dire un "connais-toi toi-même" en tant que produit du processus historique qui s'est déroulé jusqu'ici et qui a laissé en toi-même une infinité de traces, reçues sans bénéfices d'inventaire. C'est un tel inventaire qu'il faut faire pour commencer" Edward Saïd
Marocain, je suis occidental dans le sens le plus littéral (maghribi), à sa pointe la plus extrême. Dans mes veines coule un riche mélange ; aristocratie andalouse, tribu berbère et descendance noire de princes et d'esclaves.
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Emigré sans retour, fils d'une longue bataille, je n'ai pas choisi l'étape finale qui s'est imposée à moi : toujours ailleurs. Sur ma route, je n'ai pas regardé en arrière, mais je n'ai rien oublié. Sans même le vouloir, j'ai renoncé aux biens, à la parenté, aux amis et compagnons de route. La solitude m'a grandi, elle seule m'euphorise mais elle épuise mon corps autant que la prière longue distrait mon intellect.
Qui suis-je donc, moi, somme impossible de tous ces ancêtres ?
D'où naguère suis-je parti et où maintenant irai-je ?
extraits de "le désarroi identitaire" de Réda Benkirane
Commentaires
Merci Kalima pour cet extrait qui donne envie d'en lire davantage !!
merci blaise, j'ai découvert par hasard le texte de Réda Benikrane, j'ai été ravi. Je ne l'ai pas posté en entier parce qu'il est long. On peut le découvrir sur son site. C'est un régal.
le lendemain de ma découverte, j'ai commandé le livre "le désarroi identitaire" et un autre de lui sur la complexité, j'ai hate de les dévorer,
Merci (à mon tour) pour le lien vers Edward Saïd. Je ne connaissais pas.
Je ne suis toujours pas épuisé dans mes plats de mots en ce moment... http://andy-verol.blogg.org
Fais de même chez moi, pour l'infos.
Il devrait y avoir toute latitude d’adopter ce qui plaît à la fois dans la culture « Gauloise » et dans la culture d’origine, d’user d’un « droit d’inventaire » vis-à-vis de son héritage, sans avoir pour autant l’impression de renier son histoire, sa famille, et de se renier soi-même.
Mais attention, la médiatisation du climat de défiance et d’hostilité vis-à-vis des « étrangers » ne peut que pousser à revendiquer instinctivement, en réaction, les éléments les plus archaïques de sa culture.
" Qui suis-je donc, moi, somme impossible de tous ces ancêtres ?
D'où naguère suis-je parti et où maintenant irai-je ?"
Comme si le destin incertain de l'être ne suffisait pas à brouiller les cartes - peut-être à son avantage, finalement - l'homme complexifie encore avec une émigration qui rend ses racines plus floues, sa solitude plus évidente.
Mais il en est ainsi, il s'en va...
Comme si c'était écrit sans ses gènes, comme si l'existence était faite pour ce savant mélange qui fait tant de mal mais qui revivifie; qui obéit à une loi naturelle qui fait souffrir et rend, ds le même temps, la soif de vivre plus intense.
Mais ne pas oublier ses racines, comme un socle ancré, pour l'éternel retour qui ne se fera jamais.
"Les voyageurs contemporains jugent le monde de moins en moins exotique mais ils auraient tort de croire qu'il devient uniforme".
Zhao Fusan (Unesco, DA Institut des religions mondiales, etc)