Il y a plusieurs manières de vivre (au) le présent :
à la manière des poètes, telle le "Ô temps suspend ton vol" de Lamartine ou telle le "ici et maintenant" de Rimbaud. Heureux ces êtres qui au moment de l'inspiration, réussissent à arrêter la marche du temps, vivant dans un présent éternel, loin des tumultes du monde.
à la manière des "mejdoubs", ces êtres déracinés, ces êtres dont l'esprit est aspiré vers des contrées où passé, présent et futur se confondent dans un instant éternel.
Heureux ces êtres vivant hors du temps, tout en vivant pleinement le temps des autres.
à la manière des mystiques, ces êtres qui en atteignant l'extase parviennent à anihiler le temps pour le confondre avec le présent et se confondre avec lui. Heureux ces êtres qui parviennent à jouir pleinement d'un présent éternel.
à la manière de certains philosophes, tel Saint Augustin ou Aristote, qui face à leur incapacité à vivre pleinement au présent ont voulu saisir le temps par leur pensée. Heureux ces êtres qui ont réussi à vivre au futur à défaut de vivre pleinement au présent.
à la manière des millions de mes contemporains, ces êtres broyés par une hyper-modernité qui les bercent dans l'illusion de vivre au présent, en leur offrant des jouissances éphémères. Malheureux ces êtres qui se consument en consommant. Malheur à ces êtres une fois désillusionnés; ni la nostalgie d'un passé révolu, ni l'espoir d'un futur incetrain ne pourront combler les frustrations du présent.
© Saïd Bailal