Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Socrate, Einstein et les autres

  • Je rêve donc je suis

    Il voulait rêver un homme : il voulait le rêver avec une intégrité minutieuse et l'imposer à la réalité...

    (....)

    Avec soulagement, humiliation, avec terreur, il comprit que lui aussi était une apparence, qu'un autre était en train de rêver."    

    Borgès. Les ruines circulaires

    La nuit dernière une voix a murmuré à mon oreille : " Une voix qui la nuit murmure à votre oreille, ça n'existe pas".

     

    Nous sommes des êtres à la fois finis et infinis. Notre être charnel est limité. Prisonnier du domaine du fini, la mort est son horizon. Nous habitons une minuscule planète limitée qui tourne autour d'un soleil condamné à s'éteindre. Notre univers malgré son immensité est verrouillé par des bornes et limites infranchissables. Il est gouverné par une myriade de lois indépassables.


    Mais il y a en nous quelque chose qui dépasse cet univers. Une part de nous-mêmes provient de l’infini. Elle est capable de s’affranchir des lois physiques. Chaque nuit nous en avons la preuve dans nos rêves.
    Chaque nuit nous voilà vagabondant au-delà de toute limite; ni notre enveloppe charnelle, ni le temps, ni l’espace ne peuvent contenir tout notre être. Notre vouloir devient infini, nous empruntons des apparences multiples, le moi se disloque, il devient pluriel, le multiple devient un, nous empruntons la peau d’autres, les autres celle d’animaux, les animaux se muent en plantes, des êtres fantastiques surgissent de nulle part, les distances sont abolies, l’ici est aussi ailleurs, le sommet est abîme…

    Le rêve nous replonge dans l’infini. Il nous régénère. Au réveil nous voilà à nouveau prêts à affronter les limites et à supporter les entraves.

    Souvent au réveil une sensation nous envahit, celle d’être étranger au lieu où nous avons passé la nuit, étrangers à la personne qui a dormi à nos côtés, étrangers à nous-mêmes. Il nous faut quelques instants avant de revenir à nous-mêmes. Borgès fit remarquer qu’en espagnol, se réveiller se dit « se recordarse », littéralement se souvenir de soi. Comme si chaque nuit nous nous perdons dans nos rêves.

    Dans la tradition arabe, le sommeil est appelé "petite mort", l'âme est supposée quitter le corps durant le sommeil profond. Etant de substance divine et hors de son enveloppe charnelle elle n'est plus soumise aux lois de l'univers. Elle voyage dans le temps d'où la possibilité de rêves prémonitoires. Le rêve est l'occasion de renouer avec les forces celestes, le divin ou le diable.

     

    Chez certaines tribus d'Amérindiens, le rêve est considéré comme un miroir du futur. Il façonne en quelque sorte la réalité de l'individu et du groupe. Ces Amérindiens disposent autour de leurs lits un objet, appelé capteur de rêves, sous forme d'une toile d'araignée censée attrapper tous les rêves, les bons et les mauvais. Les mauvais rêves sont pris dans la toile et disparaissent au premiers rayons du soleil, Les beaux rêves passent au centre de la toile, et par là entrent dans la vie du rêveur pour guider sa vie.

     

    La science moderne a réduit le rêve à une simple activité neurobiologique, à un simple miroir du passé, à l'expression banale de nos pulsions refoulées.

    Le rêve, cette écoute fertile de la nuit, est dévalorisé au profit du principe de réalité. Chaque jour on entend des  rappels à l'ordre au nom de la réalité. Le rêve nuit à la bonne marche du monde semblent nous dire ceux qui détiennent les rênes du monde.

    © Saïd Bailal

  • La sagesse

    Karl Marx était de droite

    Pinochet un lutteur de classe

    L'oncle Mobutu a passé sa vie

    dans le maquis à Cuba

    Lénine n'était que l'ombre du Christ

    Brigitte Bardot une réincarnation

    de Rosa luxembourg

    Et moi, je ne suis que l'une des voix

    d'une histoire épuisée

    par la coupe bue

    à la santé de la folie

    Hassan Ouezzani, poète marocain

     

    "Mesure. Ils la considèrent comme la résolution de la contradiction. Elle ne peut être rien d'autre que l'affirmation de la contradiction et la décision héroïque de s'y tenir et d'y survivre"

    Albert Camus, carnets

     

    Farid Belkahia

    medium_belkahia.2.jpg

    Le mot sagesse se dit en arabe "Hikma". En permutant les lettres de ce mot, on obtient le mot "Mihak" qui signifie lieu ou instrument de frottement. Ce terme « Mihak » désigne entre autre l’instrument qui sert à frotter la laine, à l’emmêler pour en faire quelque chose de solide.

     

    medium_filer.2.jpgLa sagesse peut être définie comme étant un lieu de « frottement » des idées et un instrument de confrontation des opinions.

     

    Le sage n’est nullement celui qui possède la vérité ni celui qui a la meilleure ou la plus juste opinion. Il est celui qui sait « frotter » et confronter les différents points de vue sans se désorienter ni s’engloutir dans le labyrinthe des confusions. 

     

    Le sage aime s’aventurer dans les interstices des opinions, il lui devient ainsi aisé de les adopter toutes  pour mieux connaître la part de vérité qu’elles contiennent et mettre en lumière les limites et les contradictions de chacune.

     

    Le sage est celui qui ose le mariage des incompatibles. Il est celui qui sait épouser tous les regards pour multiplier les niveaux de perception, pour mieux rendre compte de l’essence conflictuelle du réel.

     

    © Saïd Bailal

  • Probabilités

    "Pourquoi ne croit-on pas qu'un nombre infini de lettres grecques versées au milieu de la place seraient pour arriver à la contexture de l'Iliade ? » Montaigne, Tome II, Essais.

     

     

    Certains événements sont tellement rares que lorsqu’ils surviennent ils sont la cause de beaucoup de désordre. Ils sont souvent considérés comme des accidents parce qu’ils sont inexplicables ou bien parce qu’ils dérangent l’ordre apparent des choses. La probabilité de tels évènements n’est pas égale à zéro même si elle peut être très faible.

     

    medium_singes.jpg

    Parmi ces événements on peut citer le fameux exemple : "un singe qui tape au hasard sur le clavier d’une machine à écrire pourra presque sûrement écrire tous les livres de la Bibliothèque nationale de France".

     

    La probabilité d’un tel évènement, d’après un théorème du mathématicien Emile Borel, est infime mais elle existe. Cet évènement peut très bien se réaliser. Ses conséquences doivent être catastrophiques.

     

    Par exemple, Il nous faudra revoir toute notre conception de la littérature. Fini la vénération qu’on accorde à nos grandes figures littéraires. Adieu les prix littéraires, à quoi bon décerner un prix à une œuvre qu’un simple bonobo est capable d’obtenir en tapant maladroitement et au hasard sur une machine à écrire. Les écrivains qui croient être en possession d’un talent inégal risquent de sombrer dans le désespoir.

     

    Et puis imaginons que notre singe finit par à écrire la Bible, le Coran ou le Mahābhārata; quelle serait alors la réaction des religieux qui vénèrent la lettre de leur livre sacré au détriment de son esprit ?

    Vont-ils vénérer le singe en le prenant pour Dieu ou un prophète ? Ou bien lanceront-ils des fatwas contre lui pour blasphème ?

     

     

  • La langue des signes

    "Je t'interroge plénitude ! - Et c'est un tel mutisme..."

    Saint-John Perse

    "Le silence de ces espaces infinis m'effraie"

    Pascal

     

     

    S'agit-t-il du mutisme du Ciel ou de la surdité des hommes ?

     

    Etait-ce le silence qui effrayait Pascal ou l'interprétation qu'allaient en faire les hommes ?

     

    Peut-être qu'Aristote a eu tort de ne pas avoir inventé une grammaire et une rhétorique du silence, cela aurait pu nous éviter pas mal de malentendus.

     

  • Cosmégonie

     

    ...Silence...

    Au commencement était le Je

     

    d'un zeste de chaos émergea l'espace, le temps et l'énergie

    ils se confondent et se fécondent

    ils divorcent

    l'espace s'étend, le temps sécoule, l'énergie se matérialise

    ...

    E=mc2,  poussières d'étoiles

    ...

    le soleil fait une percée, il s'ennuie

    1, 2, 3ème pierre errante

    ...

    H2O, la vie jaillit

     

    le Je recommence

    ... silence ...

    "le Je, le Je, le Je, voilà le profond mystère"  L. Wittgenstein

    © Saïd Bailal