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société - Page 2

  • la France a-t-elle un avenir ?

    L’image que se fait un pays de lui-même est inscrite dans la pierre. Les monuments incarnent le sens particulier que donne un peuple à l’histoire, ils traduisent les orientations du présent plutôt tendu vers le passé, vers l’avenir ou bien un rétrécissement de l’horizon au seul présent instantané.

     

    Une France tournée vers l’avenir

    De Gaulles a construit essentiellement des ponts et des autoroutes, symboles d’ouverture et de rencontre. Il a été aussi un bâtisseur d’avenir, les projets qu’il a initié tel le concorde ou le TGV illustrent un désir d’innovation et de vitesse. 

     

    Sortie meurtrie de la guerre, la France sous De Gaulles était résolument tournée vers l’avenir. La victoire contre la barbarie nazie redonna force à l’espérance historique, mais pour peu de temps.

     

    Une France engloutie dans les failles du présent

    A la fin des années soixante, les Français désiraient profiter des fruits des « trente glorieuses ». Par ailleurs le bruit des chars soviétiques, envahissant les capitales de l’Europe de l’Est, avait installé le doute à propos d’un avenir radieux. Le désir d’avenir s’est immolé laissant place à une volonté de jouir du présent, « ici et maintenant », « jouissons sans entraves » proclamaient les jeunes en mai 68.

    Le centre Beaubourg construit par Pompidou a été dédié exclusivement à l’art moderne et contemporain. Cette célébration d’un art dominé par le design, la performance et l’immédiateté est l’indice d’un appétit du temps présent. 

     

    Les Français sous Pompidou étaient revenus de toutes les utopies sociales, ils ne croyaient plus à un avenir meilleur. Horrifiés par les souvenirs d’un passé meurtrier, ils voulaient vivre sur le mode exclusif de l’urgence, vivre au présent.

     

    Une France qui se réfugie dans la familiarité consolatrice du passé

    Au début des années 80, de plus en plus de Français sont touchés par le chômage et la pauvreté, ils n’ont plus la possibilité de profiter du présent. La gauche au pouvoir n’a pas pu tenir ses promesses d’un avenir meilleur. Lorsque l’espoir dans l’avenir s’éteint, lorsque le présent devient difficile à vivre, les hommes se tournent alors vers le passé.

    Mitterrand rénove le Musée du Louvre dédié exclusivement aux œuvres du passé, son choix d’une pyramide démontre une volonté de revisiter le passé. La grande Bibliothèque qu’il a bâtie souligne aussi cette volonté d’une France qui se réfugie dans l’érudition et dans le passé. Chirac succomba à son tour à cette nouvelle passion française : la fascination de l’ancien, il construisit le musée des arts premiers.

     

    A l’aube du deuxième millénaire la France doute, les espoirs dans l’avenir se sont estompés, les possibilités de jouir du présent se sont rétrécies. La France a vieilli. Elle est devenue incapable de préférer l’avenir au passé, le projet au souvenir. 

     

    Au vu des récents débats sur l’identité nationale, on peut parier que le prochain président construira exclusivement des musées dédiés à un passé hexagonal glorifié et mystifié.

     

  • guerre et paix

    A la question : « comment libérer les hommes de la fatalité de la guerre », Freud  a répondu : « peut-être n’est-il pas utopique d’espérer que l’influence de ces deux facteurs, la position culturelle et l’angoisse justifiée dans les effets d’une guerre future, metterront fin à la pratique de la guerre. (...) tout ce qui promeut le développement culturel travaille du  même coup contre la guerre »

     

    La culture suffit-elle à faire éviter la guerre ?

     

    L’état du monde durant le siècle dernier et le début du 21ème, démontre le contraire. Ces deux siècles ont connu un développement fulgurant de la culture. L’analphabétisme n’a cessé de régresser, le nombre de bibliothèques et de librairies est en augmentation constante de part le monde, l’accès aux connaissances et au savoir scientifique s’est largement démocratisé, mais les guerres sont toujours là. On a atteint des degrés inimaginables dans les horreurs qu’elles peuvent provoquer. La culture a même été souvent utilisée pour justifier les massacres, les nazis ont même voulu légitimer l’élimination d’une partie de l’humanité par le recours à la culture scientifique.

     

    Freud s’est-t-il trompé ?

    Les hommes sont-ils condamnés à se faire perpétuellement la guerre ?

    Doit-on avoir recours à autre chose que la culture pour éviter cette fatalité ?
  • nous vivons une époque formidable

    Et sans doute notre temps… préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être… Ce qui est sacré pour lui, ce n’est que l’illusion, mais ce qui est profane c’est la vérité. Feuerbach



    Qu’est-ce qu’être un homme ou une femme politique aujourd’hui ?

    Certainement pas un homme ou une femme de conviction avec une vision cohérente de la société et un projet ambitieux pour lequel il est prêt à se sacrifier corps et âme.

     

    L’homme ou la femme politique d’aujourd’hui est un narcissique préoccupé par son image. Il se contente surtout de chercher à gagner des électeurs. Friand des sondages, qu’il commande souvent lui-même, il détermine les catégories sociales et les groupes de personnes (segments) dont il peut espérer le soutien, il élabore alors quelques slogans accrocheurs pour les séduire. Il annonce des mesures, souvent incohérentes, dont il ne croit pas lui-même ni à leur efficacité ni à leur faisabilité.

     

    Il en va de même de l’intellectuel et de l’écrivain moderne. Obsédé par le chiffre de ventes de ses livres, il détermine son sujet et son style en fonction des attentes du marché et de la demande des directeurs de marketing des maisons d’édition. Fini le combat d’idées, remplacé par la simple présentation de sujets et de thèmes susceptibles de bien passer sur les écrans cathodiques, passages obligés pour mieux (se) vendre.

     

    Mais peut-être que nous n'avons que les hommes politiques et les écrivains que nous méritons. Ne vivons-nous pas dans une époque formidable ?

  • la forme des poussettes et la folie du monde contemporain

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    Le site de Luc garde à vue est un lieu riche en découvertes et surprises. Je viens de découvrir grâce à lui l’un des auteurs les plus percutants aujourd’hui, Olivier Rey,  jeune professeur de mathématiques à l'Ecole polytechnique, chercheur au CNRS nourri de philosophie, de sociologie, de psychanalyse et de littérature.

     

    Olivier Rey vient de publier « une folle solitude » un traité de philosophie qui se lit avec passion et surprise. L'auteur interroge le caractère «faussement rationnel» d'un monde qui croit pouvoir s'orienter grâce à la seule boussole scientifique et technique. Voilà qui «laisse la raison calculante seule avec elle-même - ce qui veut dire: seule avec l'inconscient». L'humanité passe alors dangereusement en pilotage automatique si l'on veut bien se rappeler que l'inconscient n'est autre que «l'infantile en nous».

     

    Les poussettes d’aujourd’hui, d’après Olivier Rey sont de vrais symptômes de notre temps. L’invention des petits véhicules pour transporter les bébés a rompu le contact physique avec l’adulte. Seul un contact avec le regard des adultes subsistait tant que la poussette était orientée vers le parent. Ensuite, dans les années 1960-1970, l'orientation de la poussette change. Elle fait désormais face au monde.

     

    Que signifie cette rupture?

    Les fabricants de poussettes veulent-ils favoriser un apprentissage précoce à l'autonomie?

     

    Les partisans de la modernité affirmeraient que confronté au monde, l'enfant s'éveille plus vite. Il interpréteraient ce changement comme étant «le souci de promouvoir la liberté, la créativité, l'autonomie» de l'individu, souci inscrit dans l’idéal des lumières.

     

    Olivier Rey récuse ces interprétations. Pour lui cette perspective nouvelle manifesterait plutôt «la difficulté aujourd'hui à assumer le rôle de parent», à transmettre la loi, à instituer le sujet dans une société démocratique. «Tourner l'enfant vers le monde n'est pas une réponse mais le déni des questions.» Les poussettes sont à l'envers: «Il n'était pas si mal que les enfants gardent un moment, dans leur champ de vision, la génération qui les a précédés», conclut Olivier Rey.

     

    Désormais le petit d’homme en est tout retourné : il doit regarder vers l’avenir et, pour ce faire, ignorer les liens qui l’attachaient au passé et à la famille. La poussette détournée du passé symbolise pour Olivier Rey le fantasme de l’homme auto-construit qu'on voit à l'œuvre partout aujourd'hui, l’homme ne veut plus rien devoir à un grand Autre - qu’il le nomme Passé, Père, Dieu ou Nature. Il veut non seulement être lui-même mais se faire lui-même.

     

    Selon l’auteur nous ne sommes qu’au commencement de cette histoire de fous. La folie ne croit pas à la causalité et c’est pourquoi l’homme de l’auto-construction, l’homme sans généalogie, est fou. Comme le Dieu de la théologie traditionnelle dont il prend la place, l’homme moderne voudrait être cause de soi, d’où sa folle solitude.

  • à propos du traitement médiatique de l'islam

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    Dans leur course effrénée vers l’audience, les médias ont tendance à privilégier le sensationnel, à mettre en avant ce qui alimente les peurs et les fantasmes. C’est ainsi que les médias, dans leur traitement de la violence politique commise au nom de l’islam, ont fini par laisser peu de place à la nuance et à l'analyse historique et sociologique. 

     

    Les raccourcis, le simplisme conduisent vite à l’amalgame, un musulman même s’il vit paisiblement sa religion est vite rendu responsable de crimes commis par d’autres, un simple lieu de culte d’un quartier devient aux yeux de certains un nid de terroristes. Ces raccourcis et ces amalgames sont en plus renforcés par les positions simplistes et manichéistes de certains intellectuels ou de responsables politiques et religieux, (Redecker, Devilliers, Benoit X, …) et par la mise en scène médiatique qui entourent en général de telles déclarations.

     

    En encourageant la médiocrité et la paresse intellectuelle, les médias ont participé à la fabrication d’un « islam imaginaire », à l’essentialisation du musulman et à la stigmatisation de "l’Autre" musulman.  

     

    Le récent procès de cinq incendiaires d’une mosquée à Annecy vient confirmer la responsabilité des médias dans la montée de la haine et dans l’incitation à la violence raciste. En effet lors de ce procès, l’un des incendiaires criminels Nicolas Paz a déclaré au tribunal pour justifier son acte que : «Quand on parle de votre religion, c'est très souvent pour parler de guerres ou d'extrémisme. Dans de petites têtes comme la mienne, on écoute la télé, la radio, et l'amalgame se fait tout seul».