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kalima - Page 21

  • Comment rendre la mort attrayante

    Qu’offrons-nous à nos enfants comme nourriture de leur imaginaire ?
    . Une télévision loftisée, monnaie d’échange dans l’espace de leurs rêves,
    . Des produits du marketing Disney comme héros, icônes éphémères, sans profondeur,
    . Une musique à faire fondre la glace au chocolat à la sortie d’un MacDo.

    Avec quels ingrédients agrémentons-nous l’idéal de bonheur de nos progénitures ?
    . La froideur d’un corps, clone absurde de nos papiers glacés,
    . La monotonie d’un boulot, quand ils ont en un, rythmé par le froissement des fiches de paye,
    . Un tas de ferraille, carrosse pour une cendrillon sans pointure,
    . Quatre murs pour entourer la télé-reine qui trône en déployant ses ailes comme écran à leurs rêves.

    Il ne faut pas s’étonner alors, quand ce jeune américain, ce déraciné de nos banlieues, ou ce desperados anglais s’en vont chercher leur salut de l’autre côté du miroir, attirés par le mirage d’un monde merveilleux qui a disparu de nos stocks oniriques, inondés par nos artifices creux.
    Il ne faut pas s'étonner si certains choisissent la mort, lorsqu'on ne leur offre que le choix entre nos stars et miss, bien réelles mais inaccessibles, et les soixante-douze vierges, irréelles mais accessibles à leurs yeux au prix de la mort !
    © Saïd Bailal

  • Entre orient et occident

    Lorsque j'étais enfant, il m'arrivait certains soirs de ne pas entendre le marchand de sable passer. J'allais alors me plaindre à ma mère. Elle me conseillait d'écouter mes os ("shess iyekhssen nek" en rifain, un dialecte berbère marocain).

    "Ecouter ses os" signifiait pour ma mère entamer un voyage à l'intérieur de soi. Faire le bilan de sa journée. Si on n'a rien fait qui puisse déranger notre conscience, le sommeil finit par nous gagner. Sinon il fallait changer de comportement le lendemain, pour retrouver le sommeil et la paix de l'âme.

    Pauvre enfant que j'étais, soumis très tôt aux affres de sa mauvaise conscience et condamné à être le comptable de ses propres erreurs.


     

    Arrivé en France, j'ai appris qu'il suffisait de "compter les moutons" !
    Point de poésie. Le sommeil et la paix de l'âme sont une affaire de calcul algébrique.
    Pauvres moutons ! non seulement ils nous servent à assouvir nos appétits carnivores, mais aussi à s'acheter une bonne conscience.


     

    "Ecouter ses os" ou "compter les moutons" : deux visions philosophiques du monde.
    Au lieu de choisir entre les deux, j'ai appris à compter mes os tout en écoutant le bêlement des moutons me caressant avec leurs douce laine.

    C'est ainsi que les os et les moutons m'ont aidé à inventer une nouvelle géographie ou l'Orient et l'Occident se profilent main dans la main sous le même horizon.

    © Saïd Bailal

  • Paradoxes

    Un Narcisse qui boude son reflet , mais qui s'observe avec passion.

     

    L'air de nulle part, d'inappartenance foncière, de prédestination à l'exil.

     

    Une identité fluide de ceux qui passent en coup de vent.

     

    Avoir le souci d'être soi-même sans jamais négliger d'être un autre.

     

    Etre animé par la tentation de l'absolu et par le sentiment persistant de la vacuité.

     

    Désirer s'enrichir pour avoir le droit de mieux se ruiner.

     

    Abuser de l'existence sans en être rassasié.

  • Si tous les yeux du monde ...

    La somme des regards de tous les yeux ne peut suffire à épouser, et à fortiori à épuiser la réalité du Monde.

  • Le désenchantement de la lune

    La nuit dans le désert, le ciel est d'une profondeur religieuse, profondeur accentuée par la nudité du paysage.
    Les étoiles semblent y être des milliers de torches allumées pour célébrer la déesse lune, pour rendre plus éclatante sa transparence et plus profond son mystère.


    Inspirés par ce paysage, les Arabes accordèrent beaucoup d'importance à la lune. Ils adoptèrent le calendrier lunaire, et deux des piliers de l'islam sont déterminés par l'astre de la nuit. Bref, la lune devint pour les Arabes le symbole de la perfection, du mystère et de la grâce. Jusqu'au jour où les Américains y posèrent leurs pieds. Ils montrèrent alors un payasage de désolation. La lune n'est que ravins et poussière. Elle ne recèle aucun mystère, elle ne brille d'aucune beauté.


    Ce fut un petit pas boîteux pour les Américains et un grand pas dans le vide pour les Arabes !

     

    © Saïd Bailal