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  • les identités multiples

    Seules les identités multiples sont belles. Mahmoud Darwich.

     

    Je n’aime pas le mot « racines », et l’image encore moins. Les racines s’enfouissent dans le sol, se contorsionnent dans la boue, s’épanouissent dans les ténèbres; elles retiennent l’arbre captif dès la naissance, et le nourrissent au prix d’un chantage: « Tu te libères, tu meurs! » Amine Maalouf.

     

    On nous dit, et voilà vérité, que c'est partout déréglé, déboussolé, décati, tout en folie, le sang le vent. Nous le voyons et le vivons. Mais c'est le monde entier qui vous parle, par tant de voix bâillonnées.

    Où que vous tourniez, c'est désolation. Mais vous tournez pourtant. Edouard Glissant.

     

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    Jamais dans l'histoire de l'humanité les humains ne se sont autant rencontrés, côtoyés et mélangés. Les mariages mixtes se multiplient de plus en plus. Dans certaines régions comme en Europe, les frontières se sont effacées. Les obstacles culturels et nationaux à la communication se sont presque effondrés grâce aux moyens de transport et de communication modernes. Il est devenu possible de ne pas concevoir de contradiction par le fait d'avoir plusieurs identités simultanément.

     

    Et paradoxalement, jamais les crispations identitaires n'ont été aussi grandes.

     

    De nombreux Juifs hier partisans de l'universalisme et de l'humanisme se sont repliés actuellement sur une seule appartenance et une unique identification, à Israél.

     

    Les Européens champions, durant les siècles passés, de l'humanisme et depuis la fin de la seconde guerre mondiale chantres de l'entente mondiale, sont entrain de glisser vers l'idéologie la plus restrictive et exclusive, l'extrême droite.

     

    Les Musulmans qui avaient jadis été les plus cosmopolites, acceptant l'existence en leur sein de multiples confessions et cultures, sont en train de restreindre leur identité à leur seule appartenance religieuse.

     

    Comment expliquer ce paradoxe ?

    Est-ce les angoisses et les frustrations engendrées par une globalisation qui tend à effacer toute spécificité et à dépasser l’Etat-nation?

    Est-ce les derniers sursauts, avant l'effondrement définitif, des nationalismes ?

     

  • Guerre et mensonges

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    Il existe aujourd'hui entre le mensonge et la guerre une connection indissociable. Dans l'actualité de l'existence telle qu'elle se présente à nous, il est impossible de ne pas reconnaître que la guerre est liée au mensonge, au mensonge sous une double forme : le mensonge à autrui et le mensonge à soi-même; ils sont d'ailleurs étroitement liés et peut-être inséparables en droit l'un de l'autre.

     

    Celui qui ne se ment pas à soi-même ne peut pas ne pas constater que la guerre sous ses formes modernes est un cataclysme qui ne peut comporter aucune contrepartie positive appréciable, sauf peut-être -et encore n'est-ce là qu'une apparence- là où est une pure agression dirigée contre un adversaire désarmé; mais dans ce cas la guerre cesse d'être à proprement parler la guerre pour dégénérer en une opération de banditisme pur et simple qu'on tentera d'ailleurs de camoufler en la présentant comme une expédition punitive; les inépuisables sources de propagande seront mis en oeuvre pour ce camouflage.

     

    Dans tous les autres cas, c'est à dire là où il y a conflit entre des adversaires réellement armés, nous savons aujourd'hui que les risques de tout ordre sont inimaginables, et que les destructions dépassent, selon toute apprence, les avantages que l'on prétend en retirer. Les faits sont là directement lisibles par tous, et il est difficile de concevoir comment l'enseignement qu'ils dégagent peut encore demeurer lettre morte, sinon pour le plusgrands nombre des hommes, au moins pour les individus soi-disant responsables dont leur sort dépend.

     

    Ce n'est que par le mensonge organisé qu'on peut espérer faire admettre la guerre à ceux qui sont contraints de la faire ou de la subir : notons d'ailleurs qu'entre les verbes faire et subir la différence est aujourd'hui évanouissante.

    Gabriel Marcel : Les hommes contre l'humain, p.97, éditions universitaires, 1991