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Etat des lieux - Page 2

  • une autre vision des événements du 11 septembre

    A l'occasion de l'anniversaire des événements du 11 septembre, je remets en ligne un billet que j'avais publié à l'occasion de ces événements. Hélas, il est toujours d'actualité :

     

    La nuit dans le désert, le ciel est d’une profondeur religieuse, profondeur accentuée par la nudité du paysage. Les étoiles semblent y être des milliers de torches allumées pour célébrer la déesse lune, pour rendre plus éclatante sa transparence et plus profond son mystère.

     Face à ce paysage, les Arabes accordèrent une grande importance à la lune. Ils adoptèrent le calendrier lunaire, et deux des piliers de l’Islam, le ramadan et le pèlerinage à la Mecque, sont déterminés par l’astre de la nuit. Bref, la lune devint pour les Arabes le symbole de la perfection, du mystère et de la grâce. Jusqu’au jour où les Américains posèrent leurs pieds sur la lune. Ils montrèrent alors un paysage de désolation. La lune n’est que ravins et poussière. Elle ne brille d’aucune beauté, elle ne recèle aucun mystère.


    Ce fut un petit pas boiteux pour les Américains, et un grand pas dans le vide pour les Arabes.

     


    Cette parabole peut servir comme grille de lecture, parmi tant d’autres, des malentendus entre l’Islam et l’Occident. Elle peut nous éclairer sur le fait que la modernité incarnée par l’Occident bouleverse les valeurs de la majorité des êtres humains, en démystifiant et en désacralisant le réel, sans pour autant les faire bénéficier de ses bienfaits, ni donner sens à leurs destins individuels et collectifs.


    L’Occident doit revoir son rapport au monde et aux autres. L’arrogance que lui procure sa puissance technique et scientifique ne peut le conduire qu’au reniement de ses valeurs, des autres, et finalement de lui-même.


    Par ailleurs, les musulmans doivent prendre conscience qu’ils peuvent rendre sa beauté à la nuit de plénitude, à condition de repenser leur vision du monde et leur passé. «La beauté n’existe que dans les yeux de celui qui la regarde», chantait l’un de leurs poètes. Ils doivent rechercher les causes de leur déclin d’abord en eux-mêmes, au lieu d’en accuser toujours les autres.

     

    Saïd Baïlal 

  • les écrivains que je ne lirais jamais

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    C'est la rentrée littéraire en France. Cette année, les éditeurs nous proposent pas moins de 727 ouvrages. Certains remporteront des prix, et la plupart seront noyés dans la masse.

    Durant des semaines, des écrivains accorderont des interviews à la presse et à la radio. Ils sillonneront les villes de province pour parler de leurs livres et de leurs vies, dans les Fnac et chez d'autres marchands de livres. Ils envahiront les plateaux télévisuels, on les verra aux journaux TV, dans les rares émissions encore consacrées à la littérature, ils joueront même aux clowns dans des émissions de divertissment.

     

    Un écrivain qui se complait dans la banalité ambiante peut-il encore faire oeuvre ?

    Je viens de relire pour la énième fois "Le Temps des erreurs" du feu Mohamed Choukri, le poète aux pieds nus, celui pour qui l'écriture est une protestation non une parade. Il avait de la classe celui-là. Je me suis attardé sur l'extrait suivant :

     

    Je remarque un homme élégant, visiblement respecté par les clients du café, et souvent entouré de gens fringants aux airs solennels. Je demande à un homme assis près de moi de qui il s'agit.

    - Vous ne le connaissez pas, c'est l'écrivain Mohammed Essabagh.

    - Qu'est-ce qu'il écrit ?

    - Des poèmes en prose.

    J'achète ses livres : La Soif blessée, , L'arbre de feu, La Lune et moi. ces derniers sont traduits en espagnol. Je les lis et je me dis que s'il faut écrire ça pour être entouré de tant de déférence, alors je peux le faire moi aussi. Et même mieux. L'écriture est un privilège ! Je croyais que l'Ecrivain ne se montrait jamais en public, qu'il ne parlait pas avec les gens, comme Mohammed Essabagh dans ce café. Pour moi l'écrivain était mort ou invisible.

     

    Je ne sais pas pourquoi cet extrait m'a fait penser à la rentrée littéraire ?

    En tout cas je suis sûr d'une chose, j'aime lire et relire les écrivains absents.

     

     Saïd Bailal

     

    Les Tableau est de Mahi Binebine, peintre et écrivain Marocain

  • la France a-t-elle un avenir ?

    L’image que se fait un pays de lui-même est inscrite dans la pierre. Les monuments incarnent le sens particulier que donne un peuple à l’histoire, ils traduisent les orientations du présent plutôt tendu vers le passé, vers l’avenir ou bien un rétrécissement de l’horizon au seul présent instantané.

     

    Une France tournée vers l’avenir

    De Gaulles a construit essentiellement des ponts et des autoroutes, symboles d’ouverture et de rencontre. Il a été aussi un bâtisseur d’avenir, les projets qu’il a initié tel le concorde ou le TGV illustrent un désir d’innovation et de vitesse. 

     

    Sortie meurtrie de la guerre, la France sous De Gaulles était résolument tournée vers l’avenir. La victoire contre la barbarie nazie redonna force à l’espérance historique, mais pour peu de temps.

     

    Une France engloutie dans les failles du présent

    A la fin des années soixante, les Français désiraient profiter des fruits des « trente glorieuses ». Par ailleurs le bruit des chars soviétiques, envahissant les capitales de l’Europe de l’Est, avait installé le doute à propos d’un avenir radieux. Le désir d’avenir s’est immolé laissant place à une volonté de jouir du présent, « ici et maintenant », « jouissons sans entraves » proclamaient les jeunes en mai 68.

    Le centre Beaubourg construit par Pompidou a été dédié exclusivement à l’art moderne et contemporain. Cette célébration d’un art dominé par le design, la performance et l’immédiateté est l’indice d’un appétit du temps présent. 

     

    Les Français sous Pompidou étaient revenus de toutes les utopies sociales, ils ne croyaient plus à un avenir meilleur. Horrifiés par les souvenirs d’un passé meurtrier, ils voulaient vivre sur le mode exclusif de l’urgence, vivre au présent.

     

    Une France qui se réfugie dans la familiarité consolatrice du passé

    Au début des années 80, de plus en plus de Français sont touchés par le chômage et la pauvreté, ils n’ont plus la possibilité de profiter du présent. La gauche au pouvoir n’a pas pu tenir ses promesses d’un avenir meilleur. Lorsque l’espoir dans l’avenir s’éteint, lorsque le présent devient difficile à vivre, les hommes se tournent alors vers le passé.

    Mitterrand rénove le Musée du Louvre dédié exclusivement aux œuvres du passé, son choix d’une pyramide démontre une volonté de revisiter le passé. La grande Bibliothèque qu’il a bâtie souligne aussi cette volonté d’une France qui se réfugie dans l’érudition et dans le passé. Chirac succomba à son tour à cette nouvelle passion française : la fascination de l’ancien, il construisit le musée des arts premiers.

     

    A l’aube du deuxième millénaire la France doute, les espoirs dans l’avenir se sont estompés, les possibilités de jouir du présent se sont rétrécies. La France a vieilli. Elle est devenue incapable de préférer l’avenir au passé, le projet au souvenir. 

     

    Au vu des récents débats sur l’identité nationale, on peut parier que le prochain président construira exclusivement des musées dédiés à un passé hexagonal glorifié et mystifié.

     

  • Baudrillard n'est plus

    medium_baudrillard-pic.gifJean Baudrillard vient de s’éteindre. Il incarnait la figure d’un penseur vagabond. Il aimait traiter de tous les aspects de la vie quotidienne. Aucun détail n’échappait à son regard d’analyste, cet autre regard finissait par nous surprendre en nous restituant un réel inattendu échappant à nos yeux atteints par la myopie de l’habitude.

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     Sa réflexion majeure a été son analyse de l’image. Pour lui, le réel tend à s’effacer devant le " simulacre ". Derrière la plupart des images, quelque chose disparaît. Parce qu’à vouloir tout montrer, l’image annihile la présence des objets, elle aboutit à l’absence. L’image ne représente pas la réalité mais nous met en présence de palpitations de vie et de mort, et finalement d’une absence que ne saurait combler la multiplicité de représentations médiatiques dont nous sommes chaque jour abreuvés. Cette réflexion a été illustrée à merveille par la première guerre du Golf.

     

    Sa pensée a eu une grande influence au delà même des cercles universitaires. Selon les réalisateurs de la trilogie Matrix, son ouvrage "Simulacres et simulation" eut une influence majeure dans le scénario.

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    Sa plume de sociologue cache celle d’un vrai poète. Il avait la capacité à décrire son époque, à l’analyser, à forger des concepts avec un réel talent littéraire qu'on retrouve, par exemple, dans l'extrait suivant de "L'Echange impossible" :

    “Libérée de toute fonctionnalité, désormais dévolue aux machines intellectuelles, rendue à la clandestinité, la pensée redevient libre de ne mener nulle part, d’être l’effectuation triomphale du Rien, de ressusciter le principe du Mal. Voilà qui change toutes les perspectives. Car on se disait (sur le modèle de Cioran :” quel dommage que pour trouver Dieu, il faille passer par la foi !”) : Quel dommage que pour parvenir au monde, il faille en passer par la représentation ! Quel dommage que pour dire les choses, il faille en passer par le sens ! Quel dommage que pour connaître, il faille en passer par le savoir 'objectif” ! Quel dommage que pour que quelque chose fasse événement, il faille en passer par l’information ! Quel dommage que pour qu’il y ait de l’échange, il faille en passer par la valeur !

     

     

    Eh bien, c’est fini ! Nous sommes libres d’une autre liberté désormais. Délivrés de la représentation par leurs représentants eux-mêmes, les hommes sont enfin libres de ce qu’ils sont sans passer par personne d’autre, ni même par la liberté ou le droit d’être libres. Délivrées de la valeur, les choses sont libres de  circuler sans passer par l’échange et l’abstraction de l’échange. Les mots, le langage sont libres de correspondre sans passer par le sens. De même que, délivrée de la reproduction, la sexualité devient libre de se déployer dans l’érotique, sans le souci de la fin et des moyens.

     

    Ainsi s’opère le transfert poétique de situation.”
  • guerre et paix

    A la question : « comment libérer les hommes de la fatalité de la guerre », Freud  a répondu : « peut-être n’est-il pas utopique d’espérer que l’influence de ces deux facteurs, la position culturelle et l’angoisse justifiée dans les effets d’une guerre future, metterront fin à la pratique de la guerre. (...) tout ce qui promeut le développement culturel travaille du  même coup contre la guerre »

     

    La culture suffit-elle à faire éviter la guerre ?

     

    L’état du monde durant le siècle dernier et le début du 21ème, démontre le contraire. Ces deux siècles ont connu un développement fulgurant de la culture. L’analphabétisme n’a cessé de régresser, le nombre de bibliothèques et de librairies est en augmentation constante de part le monde, l’accès aux connaissances et au savoir scientifique s’est largement démocratisé, mais les guerres sont toujours là. On a atteint des degrés inimaginables dans les horreurs qu’elles peuvent provoquer. La culture a même été souvent utilisée pour justifier les massacres, les nazis ont même voulu légitimer l’élimination d’une partie de l’humanité par le recours à la culture scientifique.

     

    Freud s’est-t-il trompé ?

    Les hommes sont-ils condamnés à se faire perpétuellement la guerre ?

    Doit-on avoir recours à autre chose que la culture pour éviter cette fatalité ?