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  • Les brûlures d'une rencontre (I)

     C'est en 1905 alors que j'étais âgé de cinq ans et me trouvais à Bougouni, que je vis un Européen pour la première fois. C'était le commandant de Courcelles, seul Européen de tout le cercle. Accompagné de son interprète et d'un garde de cercle, il passait de demeure en demeure pour procéder au recensement de la population.  

     

     

    Les familles avaient donné l'ordre à tous les enfants de moins de dix ans de se cacher. Mais tenaillé par la curiosité, je demandai à ma mère de m'abriter derrière les pans de son boubou afin que je puisse m'approcher du Blanc. Je voulais essayer de le toucher. J'avais entendu dire que les Blancs étaient les "fils du feu", que c'étaient des "braises vivantes". J'étais donc persuadé qu'ils brûlaient... Les Africains avaient en effet baptisé ainsi les Européens parce qu'ils s'étaient apreçus que ceux-ci devenaient tout rouges lorsqu'ils étaient contrariés. 

    Quand tous les membres de ma famille furent réunis dans la cour, ma mère écarta les larges pans de son boubou et je me blôttis derrière elle. Nous nous approchâmes du commandant qui inscrivait les noms sur un grand registre. Lorsque je fus tout près de lui, j'avançai tout doucement ma main et posai le plus légèrement que je pus mon index sur son avant bras, je ne ressentis aucune brûlure. J'en fus extrêment déçu. Désormais pour moi, le Blanc était "une braise qui ne brûle pas". Telle fut ma première rencontre avec un Européen. 

     Amadou Hampaté Ba

  • Le ciel orphelin de poètes

     "Une nouvelle planète a été découverte hors de notre système solaire. Elle a été baptisée OGLE-2005-BLG-390Lb, à partir du nom de son étoile, OGLE-2005-BLG-390."

    On est passé d'un Cosmos peuplé de divinités à un Univers qui se résume en une série de plaques d'immatriculation,

     

    Le ciel est-il devenu aussi froid et barbare pour nous parler dans une telle langue ?

     

  • Le baiser

     

    en écho à une note de ray à propos du baiser selon Sollers, et de JLK à propos du dernier Sollers,

     

     

     

    DOUCEUR SAUVAGE

    Le baiser a un seul sens
    c’est quand l’homme veut manger son amante
    la porter à sa bouche
    l’avaler morceau après morceau
    se pourlécher de ses délices les plus enfouies

    la mâcher
    se délecter de sa fraîcheur
    se régaler de ses épices cuisantes
    de ses tendres fibres

    C’est quand il se réjouit de sa faim
    et de la manne qui descend
    à l’instant de la voracité
    et de la férule de l’appétit
    Il veut la dévorer
    avec la violence d’un loup féroce
    devant la ténacité d’une impossible proie
    Il veut mordre à son souffle
    Comme à une pomme volée
    l’ingurgiter sans délicatesse
    comme l’assoiffé qui n’a cure
    de la douceur de l’eau
    la tuer
    la faire fondre
    jusqu’à la réduire à un fil d’argent
    qu’il enroulera autour de son cœur
    pour en écouter les sons ténus
    chaque fois qu’il veut en embrasser une autre

    Le baiser a un seul sens
    c’est quand l’amante veut manger son compagnon
    veut
    et veut
    jusqu’à la fin du poème

    Mohammed Achaari 

    in Abellatif Lâabi "La poésie marocaine, de l'indépendance à nos jours"

     

  • Le chemin du serpent

    « Reconnaître la vérité comme vérité, et en même temps comme erreur ; vivre les contraires, sans les accepter ; tout sentir de toutes les manières, et n’être à la fin rien d’autre que l’intelligence de tout - quand l’homme s’élève à un tel sommet, il est libre comme sur tous les sommets, seul comme sur tous les sommets, uni au ciel, auquel il n’est jamais uni, comme sur tous les sommets. »

    Fernando Pessoa

     

     

  • Et la lune me ravit

     

    Une nuit de plénitude, la lune s’est mise à nu pour me draper de sa soie.

     Et depuis, je la vois dans chaque pli du ciel.

     

     

    "Au firmament, une lune apparut, à l'aube,

    elle descendit du ciel, et jeta sur moi son regard.

    Tel un faucon qui saisit un oiseau, lors de la chasse,

    elle me ravit et m'emporta en haut des cieux.

    Quand je me regardai, je ne me vis plus que moi même,

    car en cette lune, mon corps par grâce, était devenu l'âme"

    Rûmi "Odes mystiques"