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La mystique
"La pensée retire le voile épais qui recouvre l’univers pour le remplacer par un autre si léger qu’on le devine à peine.
Nous ne percevons le monde qu’à travers la transparence de ce voile, disait-il en ajoutant : « et si ce voile était le langage »" Edmond Jabès.
5.6- Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde.
6.522- Il y a assurément de l’inexprimable. Celui-ci se montre, Il est l’élément mystique. Ludwig Wittgenstein
Tableau : Saad Tazi
Il y a une incomplétude inhérente au langage. Une langue est un ensemble de signes dénombrable et discontinu, qui malgré la plus-value apportée par le sens, ne peut rendre compte du tissu continu qui relie les choses, les êtres et les évènements.
L’expression verbale d’un sentiment par exemple ne peut se confonde avec le sentiment éprouvé, et plus généralement le monde nommé ne peut se confondre avec le monde réel.
Il y aura toujours un écart entre l’expression verbale et la réalité vécue. La poésie comme la mystique trouvent leur origine et leur légitimité dans cet écart.
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L'entre-deux
"Le poisson pense que l’espace entre les gouttes de pluie est mortel"
Parviz Chapour, poète iranien.
"L'aptitude au bonheur
touche à cette capacité à percevoir
pendant l'averse
l'espace libre laissé entre les gouttes d'eau"
"Fish and Scales" : gravure de M.C. ESCHER
L'entre deux
cet espace où s'anihilent tous les lieux,
espace où s'originent tous les repères.
Lieu du tiers inclus, où le A et le non-A se tendent la main,
où la lumière ne renvoie plus l'ombre à sa honte.
L'entre-deux
Chemin möbiutique où l'on passe d'un bord à l'autre sans quitter ni l'un ni l'autre.
Ce lieu où s'épanouit la pensée hybride et décalée.
ce lieu de tous les lieux, où on peut être là en même temps que l'autre,
ailleurs en même temps qu'ici,
ouverture où le "Je" est un ensemble inombrable d'autres.
L'entre-deux
lieu de tous les risques mais aussi de tous les espoirs,
le poisson qui s'y aventure doit inventer, pour s'épanouir,
de nouvelles manières de respirer sinon il risque l'asphyxie.
© Saïd Bailal
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Probabilités
"Pourquoi ne croit-on pas qu'un nombre infini de lettres grecques versées au milieu de la place seraient pour arriver à la contexture de l'Iliade ? » Montaigne, Tome II, Essais.
Certains événements sont tellement rares que lorsqu’ils surviennent ils sont la cause de beaucoup de désordre. Ils sont souvent considérés comme des accidents parce qu’ils sont inexplicables ou bien parce qu’ils dérangent l’ordre apparent des choses. La probabilité de tels évènements n’est pas égale à zéro même si elle peut être très faible.
Parmi ces événements on peut citer le fameux exemple : "un singe qui tape au hasard sur le clavier d’une machine à écrire pourra presque sûrement écrire tous les livres de la Bibliothèque nationale de France".
La probabilité d’un tel évènement, d’après un théorème du mathématicien Emile Borel, est infime mais elle existe. Cet évènement peut très bien se réaliser. Ses conséquences doivent être catastrophiques.
Par exemple, Il nous faudra revoir toute notre conception de la littérature. Fini la vénération qu’on accorde à nos grandes figures littéraires. Adieu les prix littéraires, à quoi bon décerner un prix à une œuvre qu’un simple bonobo est capable d’obtenir en tapant maladroitement et au hasard sur une machine à écrire. Les écrivains qui croient être en possession d’un talent inégal risquent de sombrer dans le désespoir.
Et puis imaginons que notre singe finit par à écrire la Bible, le Coran ou le Mahābhārata; quelle serait alors la réaction des religieux qui vénèrent la lettre de leur livre sacré au détriment de son esprit ?
Vont-ils vénérer le singe en le prenant pour Dieu ou un prophète ? Ou bien lanceront-ils des fatwas contre lui pour blasphème ?