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poésie - Page 2

  • La source du poète

    "A chaque effondrement des preuves le poète répond par une salve d'avenir"  René Char

     

    Lorsque les poètes disparurent de l’Agora, les champs des possibles  rétrécirent

     

     

    L'homme parlait sans cesse, et les gens du village, lassés par sa parole, refusaient de l'écouter.

     

    "puisque personne ne veut plus me prêter attention, je m'adresserai à la source."

     

    Et chaque nuit, quand la source se retrouvait seule, libérée de ses assaillants du jour, il allait lui tenir compagnie en lui racontant l'histoire du vent et de la pluie, de la rivière et de la montagne, de l'aurore et du crépuscule, des champs de blé et des peupliers, des gazelles mordorées et des juments blanches.

     

    Et la source ensorcellée par son verbe, arrêtait ses murmures pour rêver près de lui. Les villageois notèrent avec satisfaction que leur source était devenue soudain plus abondante. Elle approvisionnait toutes les maisons, irriguait les jardins, abreuvait les troupeaux. Plus de disputes, plus de conflits autour de l'eau.

     

    Or un jour, l'homme amoureux de la parole s'exila du village où il ne trouvait plus de travail. Au village le travail ne manquait pas, mais les gens répétaient : "L'homme qui a la langue frétillante ne peut faire un bon ouvrier."

     

    Ils n'imaginaient pas que le départ du conteur causerait un chagrin infini à la source. Et la source ressera ses eaux et ferma son coeur. Elle se tarit.

     

    Rabah Belamri Poète et conteur kabyle

     

     

     

  • Le lutteur de classe à la manière taoïste

    l'histoire est un mot

    l'idéologie est un mot

    l'inconscient est un mot

    les mots voltigent

    dans la bouche des ignorants

     

    or chaque signe se perpétue

    fraîcheur incontournable

                                       ne t'envole pas dans ta propre langue

                                       ne t'évanouis pas dans celle des autres

     

                                     mesure le sang de ta pensée

     

                                    car à ta question

                                    tu ne trouveras que des cibles vacillantes

                                    l'agir dessine la parole

                                    comme l'arc consume la flèche cristalline

     

    le lutteur de classe à la manière taoïste    Abdelkebir Khatibi

     

  • Le baiser

     

    en écho à une note de ray à propos du baiser selon Sollers, et de JLK à propos du dernier Sollers,

     

     

     

    DOUCEUR SAUVAGE

    Le baiser a un seul sens
    c’est quand l’homme veut manger son amante
    la porter à sa bouche
    l’avaler morceau après morceau
    se pourlécher de ses délices les plus enfouies

    la mâcher
    se délecter de sa fraîcheur
    se régaler de ses épices cuisantes
    de ses tendres fibres

    C’est quand il se réjouit de sa faim
    et de la manne qui descend
    à l’instant de la voracité
    et de la férule de l’appétit
    Il veut la dévorer
    avec la violence d’un loup féroce
    devant la ténacité d’une impossible proie
    Il veut mordre à son souffle
    Comme à une pomme volée
    l’ingurgiter sans délicatesse
    comme l’assoiffé qui n’a cure
    de la douceur de l’eau
    la tuer
    la faire fondre
    jusqu’à la réduire à un fil d’argent
    qu’il enroulera autour de son cœur
    pour en écouter les sons ténus
    chaque fois qu’il veut en embrasser une autre

    Le baiser a un seul sens
    c’est quand l’amante veut manger son compagnon
    veut
    et veut
    jusqu’à la fin du poème

    Mohammed Achaari 

    in Abellatif Lâabi "La poésie marocaine, de l'indépendance à nos jours"

     

  • Le chemin du serpent

    « Reconnaître la vérité comme vérité, et en même temps comme erreur ; vivre les contraires, sans les accepter ; tout sentir de toutes les manières, et n’être à la fin rien d’autre que l’intelligence de tout - quand l’homme s’élève à un tel sommet, il est libre comme sur tous les sommets, seul comme sur tous les sommets, uni au ciel, auquel il n’est jamais uni, comme sur tous les sommets. »

    Fernando Pessoa

     

     

  • Et la lune me ravit

     

    Une nuit de plénitude, la lune s’est mise à nu pour me draper de sa soie.

     Et depuis, je la vois dans chaque pli du ciel.

     

     

    "Au firmament, une lune apparut, à l'aube,

    elle descendit du ciel, et jeta sur moi son regard.

    Tel un faucon qui saisit un oiseau, lors de la chasse,

    elle me ravit et m'emporta en haut des cieux.

    Quand je me regardai, je ne me vis plus que moi même,

    car en cette lune, mon corps par grâce, était devenu l'âme"

    Rûmi "Odes mystiques"