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identités - Page 2

  • Emigré sans retour

    medium_a200-42.jpg"Le point de départ de l'élaboration critique est la conscience de ce qui est réellement, c'est à dire un "connais-toi toi-même" en tant que produit du processus historique qui s'est déroulé jusqu'ici et qui a laissé en toi-même une infinité de traces, reçues sans bénéfices d'inventaire. C'est un tel inventaire qu'il faut faire pour commencer" Edward Saïd

     

    Marocain, je suis occidental dans le sens le plus littéral (maghribi), à sa pointe la plus extrême. Dans mes veines coule un riche mélange ; aristocratie andalouse, tribu berbère et descendance noire de princes et d'esclaves.

     

    (............)

     

    Emigré sans retour, fils d'une longue bataille, je n'ai pas choisi l'étape finale qui s'est imposée à moi : toujours ailleurs. Sur ma route, je n'ai pas regardé en arrière, mais je n'ai rien oublié. Sans même le vouloir, j'ai renoncé aux biens, à la parenté, aux amis et compagnons de route. La solitude m'a grandi, elle seule m'euphorise mais elle épuise mon corps autant que la prière longue distrait mon intellect.

    Qui suis-je donc, moi, somme impossible de tous ces ancêtres ?

    D'où naguère suis-je parti et où maintenant irai-je ?

    extraits de "le désarroi identitaire" de Réda Benkirane

  • les identités multiples

    Seules les identités multiples sont belles. Mahmoud Darwich.

     

    Je n’aime pas le mot « racines », et l’image encore moins. Les racines s’enfouissent dans le sol, se contorsionnent dans la boue, s’épanouissent dans les ténèbres; elles retiennent l’arbre captif dès la naissance, et le nourrissent au prix d’un chantage: « Tu te libères, tu meurs! » Amine Maalouf.

     

    On nous dit, et voilà vérité, que c'est partout déréglé, déboussolé, décati, tout en folie, le sang le vent. Nous le voyons et le vivons. Mais c'est le monde entier qui vous parle, par tant de voix bâillonnées.

    Où que vous tourniez, c'est désolation. Mais vous tournez pourtant. Edouard Glissant.

     

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    Jamais dans l'histoire de l'humanité les humains ne se sont autant rencontrés, côtoyés et mélangés. Les mariages mixtes se multiplient de plus en plus. Dans certaines régions comme en Europe, les frontières se sont effacées. Les obstacles culturels et nationaux à la communication se sont presque effondrés grâce aux moyens de transport et de communication modernes. Il est devenu possible de ne pas concevoir de contradiction par le fait d'avoir plusieurs identités simultanément.

     

    Et paradoxalement, jamais les crispations identitaires n'ont été aussi grandes.

     

    De nombreux Juifs hier partisans de l'universalisme et de l'humanisme se sont repliés actuellement sur une seule appartenance et une unique identification, à Israél.

     

    Les Européens champions, durant les siècles passés, de l'humanisme et depuis la fin de la seconde guerre mondiale chantres de l'entente mondiale, sont entrain de glisser vers l'idéologie la plus restrictive et exclusive, l'extrême droite.

     

    Les Musulmans qui avaient jadis été les plus cosmopolites, acceptant l'existence en leur sein de multiples confessions et cultures, sont en train de restreindre leur identité à leur seule appartenance religieuse.

     

    Comment expliquer ce paradoxe ?

    Est-ce les angoisses et les frustrations engendrées par une globalisation qui tend à effacer toute spécificité et à dépasser l’Etat-nation?

    Est-ce les derniers sursauts, avant l'effondrement définitif, des nationalismes ?

     

  • L'entre-deux

    "Le poisson pense que l’espace entre les gouttes de pluie est mortel"

    Parviz Chapour, poète iranien.

     

    "L'aptitude au bonheur

    touche à cette capacité à percevoir

    pendant l'averse

    l'espace libre laissé entre les gouttes d'eau"

    Luc Comeau-Montasse

     

    "Fish and Scales" : gravure de M.C. ESCHER

    medium_fish_and_scales.3.gif

    L'entre deux

    cet espace où s'anihilent tous les lieux,

    espace où s'originent tous les repères.

     

    Lieu du tiers inclus, où le A et le non-A se tendent la main,

    où la lumière ne renvoie plus l'ombre à sa honte.

     

    L'entre-deux

    Chemin möbiutique  où l'on passe d'un bord à l'autre sans quitter ni l'un ni l'autre.

    Ce lieu où s'épanouit la pensée hybride et décalée.

    ce lieu de tous les lieux, où on peut être là en même temps que l'autre,

    ailleurs en même temps qu'ici,

    ouverture où le "Je" est un ensemble inombrable d'autres.

     

    L'entre-deux

    lieu de tous les risques mais aussi de tous les espoirs,

    le poisson qui s'y aventure doit inventer, pour s'épanouir,

    de nouvelles manières de respirer sinon il risque l'asphyxie.

    © Saïd Bailal

  • L'individu foule

    "Chaque fois que je me suis cherché,

    J'ai trouvé les autres

    Et à chaque fois que j'ai cherché les autres,

    Je n'ai trouvé en eux que mon être étranger.

    Serais-je l'individu-foules ?" 

    Mahmoud Darwich   murale

     

    "Chacun de nous est une foule, même si, avec le temps, on préfère le simplifier jusqu'à la pauvreté d'une sigularité. L'obligation d'être des individus, de répondre à un nom et à un seul, habitue la variété des personnes qui s'entassent en chacun de nous à rester silencieuse. Ecrire aide à les retrouver"

    Eri de Luca    Rez-de-chaussée

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    Chacun de nous est le produit d'un passé collectif, familial, culturel, national ou religieux. Mais ce passé ne cesse de s'élargir grâce à la coexistence sur le même sol de plusieurs cultures et à la simultanéité des discours rendues possible par la modernité.

     

    Nos relations avec les autres nous changent constamment. On sort rarement indemne d'une vraie rencontre, d'autant plus qu'on a actuellement plus de possibilités de rencontrer des personnes de divers horizons culturels avec des regards différents sur le monde et ayant d'autres manières de donner sens aux évènements et aux choses.

     

    Ces élargissments de notre passé et de nos rencontres boulversent les identités. L'identité ne peut plus être conçue comme un bloc homogène de valeurs sûres et de shémas d'identification figés.

     

    Or l'identité figée et "prêt à porter" offre une sécurité psychique qui est séduisante. Il n'est pas facile de vivre cette aventure d'une identité en constante mouvement, parce cela nécessite une perpétuelle remise en question de soi et un souci de détachement de tout pesanteur collectif. C'est une insécurité psychique et une aventure existentielle qui est difficile à assumer. Les soubresauts qui secouent notre planète depuis quelques décennies en sont la preuve, ils peuvent être vus sous l'angle d'une crise et d'un désarroi identitaires.

     

    medium_rhizom3i.6.jpgEn ce qui me concerne je préfère cette insécurité. Elle est garante de ma liberté, elle rend aussi mes relations plus sereines à la fois avec avec mon passé et mes origines.

    Mes origines ne me conditionnent plus, je les porte en moi avec plus de lucidité et paradoxalement plus de tendresse. Cela me permet aussi de mieux reconnaître d'autres racines qui me rattachent aux autres. Ce qui multiplie mes rencontres et par conséquent m'offre encore plus de possibilités d'être.

    © Saïd Bailal