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kalima - Page 3

  • la France a-t-elle un avenir ?

    L’image que se fait un pays de lui-même est inscrite dans la pierre. Les monuments incarnent le sens particulier que donne un peuple à l’histoire, ils traduisent les orientations du présent plutôt tendu vers le passé, vers l’avenir ou bien un rétrécissement de l’horizon au seul présent instantané.

     

    Une France tournée vers l’avenir

    De Gaulles a construit essentiellement des ponts et des autoroutes, symboles d’ouverture et de rencontre. Il a été aussi un bâtisseur d’avenir, les projets qu’il a initié tel le concorde ou le TGV illustrent un désir d’innovation et de vitesse. 

     

    Sortie meurtrie de la guerre, la France sous De Gaulles était résolument tournée vers l’avenir. La victoire contre la barbarie nazie redonna force à l’espérance historique, mais pour peu de temps.

     

    Une France engloutie dans les failles du présent

    A la fin des années soixante, les Français désiraient profiter des fruits des « trente glorieuses ». Par ailleurs le bruit des chars soviétiques, envahissant les capitales de l’Europe de l’Est, avait installé le doute à propos d’un avenir radieux. Le désir d’avenir s’est immolé laissant place à une volonté de jouir du présent, « ici et maintenant », « jouissons sans entraves » proclamaient les jeunes en mai 68.

    Le centre Beaubourg construit par Pompidou a été dédié exclusivement à l’art moderne et contemporain. Cette célébration d’un art dominé par le design, la performance et l’immédiateté est l’indice d’un appétit du temps présent. 

     

    Les Français sous Pompidou étaient revenus de toutes les utopies sociales, ils ne croyaient plus à un avenir meilleur. Horrifiés par les souvenirs d’un passé meurtrier, ils voulaient vivre sur le mode exclusif de l’urgence, vivre au présent.

     

    Une France qui se réfugie dans la familiarité consolatrice du passé

    Au début des années 80, de plus en plus de Français sont touchés par le chômage et la pauvreté, ils n’ont plus la possibilité de profiter du présent. La gauche au pouvoir n’a pas pu tenir ses promesses d’un avenir meilleur. Lorsque l’espoir dans l’avenir s’éteint, lorsque le présent devient difficile à vivre, les hommes se tournent alors vers le passé.

    Mitterrand rénove le Musée du Louvre dédié exclusivement aux œuvres du passé, son choix d’une pyramide démontre une volonté de revisiter le passé. La grande Bibliothèque qu’il a bâtie souligne aussi cette volonté d’une France qui se réfugie dans l’érudition et dans le passé. Chirac succomba à son tour à cette nouvelle passion française : la fascination de l’ancien, il construisit le musée des arts premiers.

     

    A l’aube du deuxième millénaire la France doute, les espoirs dans l’avenir se sont estompés, les possibilités de jouir du présent se sont rétrécies. La France a vieilli. Elle est devenue incapable de préférer l’avenir au passé, le projet au souvenir. 

     

    Au vu des récents débats sur l’identité nationale, on peut parier que le prochain président construira exclusivement des musées dédiés à un passé hexagonal glorifié et mystifié.

     

  • la langue arabe dans le miroir du désert

    Une langue est inséparable de l’espace géographique qui l’a vu naître,  elle porte les marques de ses reliefs et de ses aspérités. Elle garde en elle les germes du sol qui l’a jadis fertilisée. Elle transporte sous ses plis, l’aridité de la terre qui l’a allaitée. Elle porte les couleurs indélébiles du ciel qui l’a longtemps couvée.

    La langue arabe, née du désert, en garde encore l’aride mémoire [1],ni les époques, ni les continents qu’elle a traversés, n’ont pu effacer ces empreintes. Dans chaque mot arabe qu'on prononce, il y a un peu de sable qui suinte.[2],

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    • langue de la transcendance

    Quiconque a élu domicile dans le désert ou a eu l’habitude de le traverser a fait cette expérience marquante du vide, ce sentiment de la fragilité et de la futilité de la condition humaine. Le vide du désert est respiration du ciel et du sable[3], vertige de l’interrogation sur la vie et la mort.

     

    La désolation du lieu conjuguée à l’éloquence du ciel oriente vers la vie intérieure. Un proverbe touareg dit : Il y a des pays pleins d’eau pour le bien-être des corps et il y a des pays pleins de sable pour le bien-être des âmes”. L’univers pulvérisé du désert est propice à la spiritualité.Terre promise des rendez-vous avec la transcendance, le désert demeure le refuge préféré des mystiques.

    Une langue née dans le désert conduit nécessairement vers le ciel. Le souffle de la langue arabe respire la spiritualité, il est propice au jaillissement de voies mystiques.

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    •  langue qui scelle l’alliance entre terre et ciel

    L’horizon qui s’offre au regard de l’homme du désert n’est pas le même que celui qui se déploie devant le montagnard ou l’habitant d’un plaine fertile. L’horizon du montagnard, par exemple, change constamment, il suffit de se mettre à une hauteur différente pour qu’il prenne une autre forme. Par contre dans le désert, l’horizon paraît identique quelque soit l’endroit d’où on le regarde. Il est la ligne inatteignable, la limite indépassable, il suggère l’existence d’un au-delà.

     

    La langue du désert transformera cet horizon en un au-delà métaphysique. L’horizon se dit en arabe « Oufouq », mot dérivé d’une racine qui a, entre autre,  donné naissance au mots «Afaqa = se réveiller » et « tafawaqa = réussir, dépasser », comme si le véritable éveil ne peut se réaliser que dans cet au-delà dont l’horizon trace les contours, comme si l’humain ne peut se dépasser, transcender sa condition qu’en parvenant à franchir cet horizon, alliance de la terre et du ciel.

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    • langue du monothéisme

    Au fond, c’est quoi un désert sinon un tas gigantesque de sable. Il suffit d’y marcher pieds nus, de regarder les dunes se déplacer pour s’apercevoir que le secret ultime du désert est entièrement contenu dans un seul grain de sable.

     

    Au milieu du désert, la splendeur du soleil absorbe tous les paysages dans une célébration de l’unité, du medium_picture.jpgseul être nécessaire. Le sable chaud et la lumière vive effacent tous les détails, rendant la multiplicité invisible. Pour l’homme du désert, toute la réalité du monde se ramène à un seul élément, l’univers entier découle d’un même principe. La langue arabe en porte le sceau, la première lettre de l’alphabet arabe « ا = Alif » contient toutes les autres.

    Le désert est monothéiste ou n’est pas, la langue arabe aussi.

    ...... A suivre......

    © Saïd Bailal

     S

    [1] [2]  Khemir Nacer,

    [3] Jabès Edmond,

  • Baudrillard n'est plus

    medium_baudrillard-pic.gifJean Baudrillard vient de s’éteindre. Il incarnait la figure d’un penseur vagabond. Il aimait traiter de tous les aspects de la vie quotidienne. Aucun détail n’échappait à son regard d’analyste, cet autre regard finissait par nous surprendre en nous restituant un réel inattendu échappant à nos yeux atteints par la myopie de l’habitude.

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     Sa réflexion majeure a été son analyse de l’image. Pour lui, le réel tend à s’effacer devant le " simulacre ". Derrière la plupart des images, quelque chose disparaît. Parce qu’à vouloir tout montrer, l’image annihile la présence des objets, elle aboutit à l’absence. L’image ne représente pas la réalité mais nous met en présence de palpitations de vie et de mort, et finalement d’une absence que ne saurait combler la multiplicité de représentations médiatiques dont nous sommes chaque jour abreuvés. Cette réflexion a été illustrée à merveille par la première guerre du Golf.

     

    Sa pensée a eu une grande influence au delà même des cercles universitaires. Selon les réalisateurs de la trilogie Matrix, son ouvrage "Simulacres et simulation" eut une influence majeure dans le scénario.

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    Sa plume de sociologue cache celle d’un vrai poète. Il avait la capacité à décrire son époque, à l’analyser, à forger des concepts avec un réel talent littéraire qu'on retrouve, par exemple, dans l'extrait suivant de "L'Echange impossible" :

    “Libérée de toute fonctionnalité, désormais dévolue aux machines intellectuelles, rendue à la clandestinité, la pensée redevient libre de ne mener nulle part, d’être l’effectuation triomphale du Rien, de ressusciter le principe du Mal. Voilà qui change toutes les perspectives. Car on se disait (sur le modèle de Cioran :” quel dommage que pour trouver Dieu, il faille passer par la foi !”) : Quel dommage que pour parvenir au monde, il faille en passer par la représentation ! Quel dommage que pour dire les choses, il faille en passer par le sens ! Quel dommage que pour connaître, il faille en passer par le savoir 'objectif” ! Quel dommage que pour que quelque chose fasse événement, il faille en passer par l’information ! Quel dommage que pour qu’il y ait de l’échange, il faille en passer par la valeur !

     

     

    Eh bien, c’est fini ! Nous sommes libres d’une autre liberté désormais. Délivrés de la représentation par leurs représentants eux-mêmes, les hommes sont enfin libres de ce qu’ils sont sans passer par personne d’autre, ni même par la liberté ou le droit d’être libres. Délivrées de la valeur, les choses sont libres de  circuler sans passer par l’échange et l’abstraction de l’échange. Les mots, le langage sont libres de correspondre sans passer par le sens. De même que, délivrée de la reproduction, la sexualité devient libre de se déployer dans l’érotique, sans le souci de la fin et des moyens.

     

    Ainsi s’opère le transfert poétique de situation.”
  • guerre et paix

    A la question : « comment libérer les hommes de la fatalité de la guerre », Freud  a répondu : « peut-être n’est-il pas utopique d’espérer que l’influence de ces deux facteurs, la position culturelle et l’angoisse justifiée dans les effets d’une guerre future, metterront fin à la pratique de la guerre. (...) tout ce qui promeut le développement culturel travaille du  même coup contre la guerre »

     

    La culture suffit-elle à faire éviter la guerre ?

     

    L’état du monde durant le siècle dernier et le début du 21ème, démontre le contraire. Ces deux siècles ont connu un développement fulgurant de la culture. L’analphabétisme n’a cessé de régresser, le nombre de bibliothèques et de librairies est en augmentation constante de part le monde, l’accès aux connaissances et au savoir scientifique s’est largement démocratisé, mais les guerres sont toujours là. On a atteint des degrés inimaginables dans les horreurs qu’elles peuvent provoquer. La culture a même été souvent utilisée pour justifier les massacres, les nazis ont même voulu légitimer l’élimination d’une partie de l’humanité par le recours à la culture scientifique.

     

    Freud s’est-t-il trompé ?

    Les hommes sont-ils condamnés à se faire perpétuellement la guerre ?

    Doit-on avoir recours à autre chose que la culture pour éviter cette fatalité ?
  • la barbarie à visage angélique

     

    un reportage sur le camp de guantanamo ( ICI) m'a inspiré le billet suivant :

     

    « Barbares vous pouvez tenir en cage

    Jamais de vos yeux rouges n’a débordé la fureur »

    Kateb Yacine, Soliloques.

     

    « Il n’y a pas de démons, les assassins de millions d’innocents sont des gens comme nous, ils ont notre visage, ils nous ressemblent. Ils n’ont pas un sang différent du nôtre »

    Primo Levi, A la recherche des racines.

     

    Ce qui m’a frappé dans ce reportage, c’est l’absence de toute image des prisonniers. Les geôliers les évoquent comme s’ils s’agissait d’artifices qu’on manipule sans aucun scrupule. 

     

    Pour  Primo Levi, Levinas, Robert Antelme, la déshumanisation commence d’abord par ignorer le visage de l’autre, par effacer son nom. L’autre est alors réduit à un matricule, une ombre, un simple corps et par conséquent un artifice, une chose. On peut alors l’humilier, le torturer, le tuer sans aucun remords.

     

    Par ailleurs, rappelons que les détenus du camp de Guantanamo n’ont pas été jugés. L’administration américaine refuse de les traduire devant les tribunaux américains. Ce refus est aussi une manière de déshumaniser les détenus.

    Même le pire des criminels a le droit à un jugement, à un avocat, non seulement pour répondre de ses actes mais aussi pour nous aider à comprendre les causes qui l’ont poussé à commettre ses crimes, à moins qu’on le considère comme ne faisant pas partie de l’espèce humaine.