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kalima - Page 7

  • Bernard Noël à propos d'incursions

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    ci-dessous une prise de position du poète Français Bernard Noël. Il n'a pas pu la publier dans les journaux Français.

    INCURSIONS OU IRRUPTION : LE GENOCIDE AU MOYEN-ORIENT SE POURSUIT

     

    Le mot « incursion » sert à désigner, dans les derniers bulletins d’information de France-Culture, les opérations militaires israéliennes au Liban. Ce mot saisit parce qu’il est original par rapport au vocabulaire des autres chaînes. D’après Littré, « l’incursion est une course ; par conséquent celui qui la fait passe seulement sur le terrain qu’il ravage ». Bien que vieille d’un siècle et demi, cette définition décrit assez bien l’action d’Israël, sauf que la « course » viole cette fois l’espace aérien et que le « ravage » tombe ainsi principalement du ciel.

     

    Littré renvoie au mot latin « incursio » qu’il traduit par « invasion ». La consultation du Gaffiot donne « choc , attaque » pour « incursio », puis « se jeter sur » pour « incursito » et « fondre sur, attaquer » pour « incurso ». Il ne faut pas, dit le Dictionnaire analogique, confondre « incursion » , qui est le fait de pénétrer momentanément dans un domaine qui n’est pas le sien, avec « irruption », qui consiste à pénétrer de vive force et à s’installer...

     

    L’aviation est l’instrument parfait de « l’incursion » puisqu’elle « se jette sur » son objectif et retourne aussitôt vers sa base. Les chars, les commandos, l’infanterie, par contre, sont obligés de faire « irruption » même si, officiellement, leur commandement n’a pas l’intention de s’installer. L’armée israélienne, dénommée Tsahal, combine de toute évidence depuis un demi-siècle « incursion » et « irruption » pour le plus grand dommage de ses voisins.

     

    L’histoire de cette période prouve en effet que l’existence et le comportement de Tsahal font de l’incursion et de l’irruption une méthode d’intimidation brutale dont l’exercice est sans cesse nourri d’actions violentes. Cela va du « bouclage » toujours arbitraire à la confiscation des terres, de la destruction des oliveraies et des maisons à l’assassinat ciblé, du bombardement des infrastructures civiles au bombardement des civils, de l’enlèvement et de la séquestration des responsables politiques à l’emprisonnement et à la torture de quiconque a l’infortune d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Tout cela au nom d’un droit à l’autodéfense et à la sécurité dont le résultat est de créer une insécurité générale, non seulement autour d’Israël mais dans tout le Moyen Orient.

     

    Devant tant de violences, dont le seul succès est d’en appeler et d’en rappeler d’autres aux références totalitaires fâcheuses, il semble que le simple bon sens aurait dû conduire à demander à la paix ce que ne peut obtenir la guerre. Mais non, l’Etat d’Israël s’obstine à entretenir l’oppression, la peur, la menace quand il ne passe pas à des actes qui visent à terroriser l’ennemi qu’en réalité ils fabri-quent. Pourtant, ces jours-ci, les actes en question atteignent un degré où l’injustifiable le dispute à la sauvagerie. Une sauvagerie masquée par la technologie guerrière qui métamorphose les tueries en une affaire inhumaine que les communiqués qualifient de « dégâts collatéraux ».

     

    L’humanité a sans doute besoin du contact, de la vision directe ou du face à face pour que le tueur ait conscience du droit de mort dont il dispose. On peut croire que tel n’est pas le cas de l’artilleur ou de l’aviateur qui tirent sur un « objectif », mais comment accorder cette circonstance atténuante aux généraux, ministres et chef de gouvernement dont le moins qu’on puisse attendre d’eux est qu’ils sachent ce qu’ils font ? Quand on compare l’importance des « dégâts » et la justification qu’en donnent les responsables israéliens, on se demande ce qui l’emporte chez eux du mensonge ou du racisme dans leur empressement à pousser au crime.

     

    Bien sûr, une bonne partie de leur arrogance dans le déni des faits tient à l’aide constante et à la conduite exemplaire de leur soutien américain, qui a si brillamment réussi la démocratisation de l’Irak et de l’Afghanistan. Les crimes de guerre, la torture des prisonniers, les massacres changent de nature dès lors qu’on les qualifie de lutte contre le terrorisme : ils tirent même de cette qualité une sanctification. Et puis, de toute évidence, les victimes de cette lutte n’ont pas droit à ce statut : il suffit de vous étiqueter « terroriste » pour que vous cessiez d’être un humain.

     

    Depuis des années, et les témoignages abondent à ce propos, on assiste en Israël à un entraînement au mépris. Au mépris du Palestinien, jour après jour humilié aux check-points, privé de travail, privé d’eau, d’électricité, de nourriture, malmené pour un oui pour un non, emprisonné sans jugement... Encore n’est-ce là que les formes les plus douces d’une oppression qui n’hésite pas à recourir aux obus, aux bombes, aux fusillades à Gaza ou au fameux « Mur » qui est en train de transformer la Cisjordanie en camp de concentration.

     

    La gravité de la situation ainsi créée s’accompagne de dizaines de morts avec un fort pourcentage de femmes et d’enfants. Tout cela a été dénoncé en vain par des articles, des documentaires, des livres, mais rien ne dénonce la dégradation morale qu’entraîne chez les Israéliens l’exercice régulier de l’oppression. Si l’artilleur et l’aviateur ne voient peut-être pas ce qu’ils font, l’oppresseur le voit fort bien quand il laisse des malheureux attendre des heures durant un passage, quand il enfonce les portes, casse les meubles, quand il écrase une maison avec son tank ou son bulldozer, quand il tire sur des enfants. Pour supporter ce face à face, il faut avoir pratiqué longuement le mépris et même en avoir fait sa culture. On sait à quel point il faut déshumaniser l’Autre pour le traiter comme un être inférieur.

     

    Le gouvernement israélien organise cette déshumanisation et le mépris raciste qui en découle. Il s’étonne de la résistance qu’il rencontre dans le temps même où il s’efforce d’en finir avec elle. D’où ce redoublement de violence, qui prouve un désir de génocide latent, et la rage de ne pas oser l’accomplir. Cette rage aveugle monsieur Olmert et sa clique puisqu’elle les fait agir à l’inverse de l’intérêt de leur peuple également aveuglé par leur propagande. Ainsi au quinzième jour de la destruction du Liban avec des bombes américaines dans le but de provoquer le rejet du Hezbollah cause, soit disant, de tout ce malheur, un sondage révèle aujourd’hui que 87% des Libanais voient dans le Hezbollah un mouvement de résistance qui les honore.

     

    La bêtise politique est criminelle : on le voyait en Irak, en Afghanistan, on le voit hélas en Palestine et au Liban. Le plus accablant est que cette bêtise ne rencontre aucune opposition dans un Occident qui se déshonore en lui trouvant des motifs respectables. Les pays arabes ne font pas mieux mais ils ont l’excuse, grâce encore à l’Amérique, d’avoir des gouvernements qui sont étrangers aux aspirations de leurs peuples. Il n’est pas nouveau de traiter de terroristes des mouvements de résistance, mais les utilisateurs de cette rhétorique apparemment inusable devraient savoir qu’il est dangereux de précipiter la résistance dans le désespoir.

     

    L’honneur n’a jamais été le fort des diplomates et des commerçants, mais il fut longtemps la règle du jeu des militaires. Quel honneur pourrait-il y avoir à bombarder une usine de lait, les pistes d’un aéroport civil ou les immeubles de l’autorité palestinienne ? Il est dommage que Tsahal et ses généraux n’aient jamais eu à méditer ce vers classique devenu proverbial : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». L’honneur d’Israël ne tient plus qu’aux quelques « refuzniks » qui refusent de massacrer des innocents, mais pour Tsahal, il est trop tard, cette armée d’élite n’est entraînée qu’à écraser plus faible qu’elle aussi doit-on la considérer désormais comme la plus lâche du monde.

    Bernard Noël.

     

     

  • Le Liban survivra

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    Une pensée pour le peuple Libanais qui est entrain de traverser pour la énième fois des moments difficiles.

     

    Pour connaître et soutenir la blogosphère Libanaise : Lebanon Heart

     

     

     

     

     

    Mon pays

     

    Mon pays longiligne a des bras de prophète.
    Mon pays que limitent la haine et le soleil.
    Mon pays où la mer a des pièges d'orfèvre,
    que l'on dit villes sous marines,
    que l'on dit miracle ou jardin.
    Mon pays où la vie est un pays lointain.
    Mon pays est mémoire
    d'hommes durs comme la faim,
    et de guerres plus anciennes
    que les eaux du jourdain.


    Mon pays qui s'éveille,
    projette son visage sur le blanc de la terre.
    Mon pays vulnérable est un oiseau de lune.
    Mon pays empalé sur le fer des consciences.
    Mon pays en couleurs est un grand cerf-volant.
    Mon pays où le vent est un noeud de vipères.
    Mon pays qui d'un trait refait le paysage.

    Mon pays qui s'habille d'uniformes et de gestes,
    qui accuse une fleur coupable d'être fleur.
    Mon pays au regard de prière et de doute.
    Mon pays où l'on meurt quand on a le temps.
    Mon pays où la loi est un soldat de plomb.
    Mon pays qui me dit : "prenez-moi au sérieux",
    mais qui tourne et s'affole comme un pigeon blessé.
    Mon pays difficile tel un très long poème.
    Mon pays bien plus doux que l'épaule qu'on aime.
    Mon pays qui ressemble à un livre d'enfant,
    où le canon dérange la belle-au-bois-dormant.

    Mon pays de montagnes que chaque bruit étonne.
    Mon pays qui ne dure que parce qu'il faut durer.
    Mon pays pays tu ressembles aux étoiles filantes, 
    qui traversent la nuit sans jamais prévenir.
    Mon pays mon visage,
    la haine et puis l'amour
    naissent à la façon dont on se tend la main.
    Mon pays que ta pierre soit une éternité.

     

     

    Nadia Tueni, poétesse Libanaise

     

  • L'amour de la patrie

    "La France, aimez-la ou quittez-la" Lepen, Devillepin, Sarkozy, etc.

     

    Il y a ceux qui s’approprient un territoire, mais à la différence des chiens ils ne pissent plus dessus pour le marquer, ils l’entourent de barbelés, de gardes frontières et de canons, ils l’appellent patrie.

    Ils proclament haut et fort qu’ils l’aiment et qu’ils sont prêts à en expulser toute personne soupçonnée de ne pas l’aimer.

     

    Mais qu’est-ce qu’aimer sa patrie ?

     

    Est-ce l’aimer à tout prix au point de nier cette part de l’homme qui n’est pas de la patrie (*), qui n’est d’aucune patrie ?

     

    Est-ce ne pas l’aimer que de dénoncer ce qui n’est pas juste dans ce que nous aimons ? (*)

     

    Est-ce ne pas l’aimer que d’exiger que l’être aimé s’égale à la plus belle image que nous avons de lui ? (*)

     

    (*) Albert Camus, lettres à un ami Allemand

  • Le griot

    A une dame qui lui demanda "- Pourquoi écrivez-vous ?, Nietzsche répondit : Je n'ai pas trouvé d'autres moyens pour me débarrasser de mes pensées".

     

     

    Aux nombreux griots et griotes du net, ils (elles) se reconnaîtront.
     

    Toutes les nuits pour fuir la peur et l'angoisse de l'obscurité, il avait pris l'habitude d'enfouir sa tête sous les draps, il fermait les yeux et s'inventait des pays imaginaires où il se baladait en attendant l'ouverture de la porte des rêves.

     

    Une nuit, il s'inventa un jardin où tout était formé de mots. Les troncs d'arbres et les branches étaient des phrases de différentes tailles. Au bout, les consonnes allaient à la rencontre des voyelles pour former des mots de couleurs variées et de différentes saveurs.

    Il s'amusa à en cueillir quelques uns pour les déguster. Il découvrit que certains mots doux finissaient par devenir amers.

    Il s'aperçut qu'en mâchouillant lentement certaines consonnes et en se débarrassant de quelques voyelles d'un mot, ce dernier finissait par avoir la saveur d'un autre.

     

    Il continua sa ballade à travers les allées de ce jardin étrange, et loin des sentiers battus faits de mots ordinaires, il emprunta un chemin tapissé par une phrase obscure. Soudain ébloui par la clarté d'un mot, il trébucha sur un mot tordu, il tomba dans un puits de paroles.

    Pour en sortir, il a du boire toutes la paroles,  et il n’a pas trouvé un autre moyen pour s’en débarrasser que d’en faire des histoires qu’il alla raconter de place en place.

    © Saïd Bailal

  • L'Orient et la beauté

    La beauté est une rencontre.

    François Cheng

     

    Il y a quelques siècles vivait dans le désert d'Arabie, un grand poète nommé Jamil. Il tomba amoureux de sa cousine Boussaïna. Il en fut tellement épris qu’il écrivit de très beaux poèmes, chantant la beauté de sa bien aimée, comparant l’éclat de sa chevelure au beau ciel d’une nuit d’Arabie, décrivant l’étincelle de son regard qui rendait jalouse la lumière, célébrant la blancheur d’ivoire de sa peau et sa silhouette de gazelle. 

     

    Un riche marchand de tapis, habitant à l’autre bout du désert entendit ces poèmes, il tomba, lui aussi, amoureux de Boussaïna. Il décida, alors, de tout quitter pour partir à sa rencontre. Il vendit ses cent chameaux, ses tapis, ses chèvres, quitta ses quatre femmes, ses vingt six enfants et partit à dos de chameau.

     

    Le voyage dura deux mois. Il fut épuisant, le riche marchand fort d’amour, brava tous les dangers : les scorpions, les serpents, les brigands, la soif et la chaleur étouffante.

     

    Arrivé dans le village de Boussaïna, il voulut la rencontrer. Les villageois l’informèrent qu’elle était en train de puiser de l’eau à la source du village.

    Quand il fut auprès d’elle, son cœur battait très fort. Il l’appela, quelle fut sa surprise quand elle se retourna.

       -  Ô mon Dieu, quelle horreur ! Comment ai-je pu tout sacrifier pour une telle laideur ? s’écria notre marchand.

     

    Furieux, il s’empressa d’aller trouver le poète Jamil afin de le tuer. N’était-ce pas lui la cause de tous ses malheurs ? 

     

    Le poète Jamil errait dans le désert chantant ses poèmes.

    Le marchand brandit un sabre et hurla :
       - Tes poèmes m’ont trompé sur la beauté de Boussaïna. J’ai tout perdu à cause de ta  poésie. Prie Allah, car ton heure est arrivée.
    Jamil lui répondit :
    - Ô égaré ! tu n’as pas su la regarder avec mes yeux, tu n’aurais vu alors que les beautés de Boussaïna.
    Retourne chez tes proches, et sache reconnaître la part de beauté qui est en eux, elle illuminera le restant de tes jours.

     © Saïd Bailal