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kalima - Page 11

  • Nudité

    "... Quelle est cette mer dont le rivage est la parole ?"

    Mahmoud Shabestari

     

     

    "Le silence est à l'âme ce qu'est la nudité au corps : un éblouissement. Et comme elle qui fut longtemps la norme, il est devenu le luxe et l'exception."

    Salah Stétié 

     

     

    Quand la parole se déshabille,

    le silence rûgit.

     

  • Vertige

     

    Ce matin après avoir entendu un astronome parler de milliards d'étoiles, j'ai rennoncé à faire ma toilette. A quoi bon se laver encore ? E. Cioran

     

     

     

    Cette nuit comme chaque nuit

    George Wetheril s'asseoit derrière son télescope.

    Il observe les étoiles qui s'entrechoquent

    Puis s'abandonnent en poussière

    Dans le labyrinthe des galaxies.

     

    Cette nuit comme chaque nuit

    Naît une nouvelle planète

    Elle aussi se peuplera un jour

    Elle aura des cavernes comme celle des Sept-Dormants

    Et des singes sur les arbres pour lancer des noix de cocos

    Et des villes comme New York, Londres et Paris

    Que les touristes envahissent en été

    De temps en temps une guerre se déclenchera

    Les mariés dormiront dans les mêmes lits

    Au dessus-de leurs têtes, sur les murs, les photos

    De leurs fils absents.

     

    Dans cent mille ans...

    Dans quatre millions d'années...

    Dans deux cent millions d'années...

     

    Laisse ton télescope cher George Wetheril

    Observer ce qu'il veut

    Quelqu'un t'attend dans le salon

    Il dit être Dieu

    et vient te lire ce poème.

     

    Fadhil Al-Azzawi, poète Irakien

  • La source du poète

    "A chaque effondrement des preuves le poète répond par une salve d'avenir"  René Char

     

    Lorsque les poètes disparurent de l’Agora, les champs des possibles  rétrécirent

     

     

    L'homme parlait sans cesse, et les gens du village, lassés par sa parole, refusaient de l'écouter.

     

    "puisque personne ne veut plus me prêter attention, je m'adresserai à la source."

     

    Et chaque nuit, quand la source se retrouvait seule, libérée de ses assaillants du jour, il allait lui tenir compagnie en lui racontant l'histoire du vent et de la pluie, de la rivière et de la montagne, de l'aurore et du crépuscule, des champs de blé et des peupliers, des gazelles mordorées et des juments blanches.

     

    Et la source ensorcellée par son verbe, arrêtait ses murmures pour rêver près de lui. Les villageois notèrent avec satisfaction que leur source était devenue soudain plus abondante. Elle approvisionnait toutes les maisons, irriguait les jardins, abreuvait les troupeaux. Plus de disputes, plus de conflits autour de l'eau.

     

    Or un jour, l'homme amoureux de la parole s'exila du village où il ne trouvait plus de travail. Au village le travail ne manquait pas, mais les gens répétaient : "L'homme qui a la langue frétillante ne peut faire un bon ouvrier."

     

    Ils n'imaginaient pas que le départ du conteur causerait un chagrin infini à la source. Et la source ressera ses eaux et ferma son coeur. Elle se tarit.

     

    Rabah Belamri Poète et conteur kabyle

     

     

     

  • Caricature

     

    Un homme d'une laideur abominable traverse à pied le désert.

    Dans le sable, il voit quelque chose qui brille. C'est un morceau de miroir.

    L'homme se baisse, saisit le miroir et le regarde. Il n'a jamais vu de miroir.

    - Quelle horreur ! s'écria-t-il. Pas étonnant qu'on ai jeté ça n'importe où !

    Il casse le miroir et poursuit son chemin.

    conte soufi

  • Cosmégonie

     

    ...Silence...

    Au commencement était le Je

     

    d'un zeste de chaos émergea l'espace, le temps et l'énergie

    ils se confondent et se fécondent

    ils divorcent

    l'espace s'étend, le temps sécoule, l'énergie se matérialise

    ...

    E=mc2,  poussières d'étoiles

    ...

    le soleil fait une percée, il s'ennuie

    1, 2, 3ème pierre errante

    ...

    H2O, la vie jaillit

     

    le Je recommence

    ... silence ...

    "le Je, le Je, le Je, voilà le profond mystère"  L. Wittgenstein

    © Saïd Bailal